Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/309

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sa voix s’étrangler dans son gosier. — Je connais le code : il y a un abîme entre les qualifications de dépôt et de recel ; et le fait du dépôt de cette caisse dans mon domicile doit être envisagé comme…

— Ce sont là, citoyen, des subtilités de légiste auxquelles vous pourriez recourir dans le cas où la découverte de ces armes, de ces munitions de guerre, de ces proclamations insurrectionnelles serait, pour vous, compromettante. Or, vous semblez vouloir, à ce sujet, vous défendre lorsque l’on ne vous attaque point ?

— Me défendre, moi ? Ne suis-je donc pas à l’abri de tout soupçon ? Est-ce que ma vie publique tout entière, depuis 1789, ne proteste pas contre…

— Pardon, citoyen, je n’ai point mission d’entendre vos justifications.

— Me justifier, citoyen ! les coupables seuls se justifient !

— C’est justement ce que je vous disais tout à l’heure ; je vais donc, en quelques lignes, rédiger le procès-verbal ; je vous inviterai, au nom de la loi, à le signer ; puis mes agents transporteront les pièces de conviction à la commune, et je ferai mon rapport au procureur-syndic.

Le commissaire s’assied à une table et verbalise.

Soudain apparaît à la porte du salon madame Desmarais, pâle, défaillante, se soutenant à peine. Cependant on lit dans son regard fiévreux et brillant la joie que que cause la délivrance de son frère. Et en entrant, elle se dit en levant les yeux au ciel :

— Béni soyez-vous, mon Dieu ! il est sauvé !

M. Desmarais, à l’aspect de sa femme, bondit de fureur, court à elle, la saisit rudement par le bras et s’écrie, d’une voix où palpitent toutes ses lâches terreurs :

— Citoyenne Desmarais, vous êtes coupable d’un crime de lèse-nation ! j’ai requis votre emprisonnement.


Madame Desmarais regarde son mari avec stupeur, et semble ne