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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/310

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pas d’abord comprendre ses paroles. En ce moment, Charlotte, instruite par Gertrude de ce qui se passe, entre dans le salon ; elle entend les dernières paroles de l’avocat, court auprès de Madame Desmarais, et s’écrie :

— Grand Dieu ! emprisonner ma mère ! C’est vous, mon père, vous ! qui la menacez !

— Retirez-vous, — répond l’avocat accompagnant ces paroles d’un geste impérieux, — retirez-vous, ma fille !

— Me retirer ! lorsque vous menacez ma mère !

— Mon enfant, rassure-toi, — répond à demi-voix madame Desmarais jetant un coup d’œil d’intelligence à sa fille, et lui montrant le commissaire, — ton père ne parle pas sérieusement…

Ces paroles, que le commissaire peut avoir entendues, exaspèrent l’avocat, qui, toujours poussé par l’impitoyable logique de son hypocrisie, de sa terreur et de sa lâcheté, s’écrie :

— Ah ! je ne parle pas sérieusement, citoyenne Desmarais ! Savez-vous à quoi vous vous êtes exposée en vous rendant complice de l’évasion d’un criminel de lèse-nation ! Vous vous exposez à porter votre tête sur l’échafaud !

À ces terribles paroles, Charlotte pousse un cri déchirant et se jette au cou de sa mère, qu’elle enlace de ses bras ; mais, de plus en plus persuadée que son mari jouait un rôle étant obligé, ainsi qu’il le lui avait dit naguère, de rugir avec les tigres, afin de conjurer les périls qu’il redoutait, madame Desmarais dit à demi-voix à sa fille, afin de calmer ses angoisses :

— Mais, comprends donc, pauvre enfant, que ton malheureux père est forcé de parler ainsi en présence de ce commissaire…

Madame Desmarais, bouleversée par tant d’émotions, ne put suffisamment maîtriser l’accent de sa voix ; ses dernières paroles arrivèrent très-distinctement aux oreilles de son mari, placé près du commissaire de la section, toujours occupé de verbaliser, et qui parut avoir aussi entendu les paroles compromettantes de madame Desma-