Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/312

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garder à vue la citoyenne Desmarais jusqu’à ce que l’on ait statué à son égard.

— Pauvre père, — dit tout bas Charlotte à sa mère, échangeant avec elle un nouveau regard d’intelligence, — combien il lui en coûte d’affecter tant de rigueur envers toi !

— Je consens à laisser deux de mes agents à votre disposition pour la surveillance de la citoyenne Desmarais, puisque vous insistez sur cette mesure, — avait répondu le commissaire ; puis, se levant et donnant la plume à l’avocat : — Veuillez signer le procès-verbal de la saisie d’armes, de munitions et de proclamations opérée à votre domicile.

— Je désire lire attentivement ce procès-verbal avant de le signer, citoyen commissaire, nous pourrions être en désaccord sur la rédaction de cet acte.

— J’attendrai donc que vous l’ayez lu, — répond le magistrat. — Et pendant que l’avocat prend connaissance du procès-verbal, qu’il lit avec une extrême attention, l’ami de Marat s’approche de madame Desmarais ; puis, lui souriant avec bonhomie et d’un air significatif, il lui dit tout bas :

— Vous n’êtes pas très-effrayée, n’est-ce pas, citoyenne, de la rigueur de votre mari ?

— Monsieur, — répond en hésitant madame Desmarais, ignorant si elle doit ou non se défier du commissaire, — la conduite de mon mari me…

— Eh ! mon Dieu ! elle est toute simple. Hélas ! que voulez-vous, citoyenne ? en ces malheureux temps où nous sommes, les honnêtes gens sont obligés de mettre parfois certains masques, n’est-ce pas ?

— Je… je ne sais.

— Tenez, citoyenne, avouez que mes agents ont été bien peu clairvoyants de prendre le citoyen Hubert pour une demoiselle ? mais… — ajoute plus bas encore le commissaire, — rassurez-vous… mes agents avaient de bonnes raisons pour manquer de clairvoyance…