Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/317

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fluence me couvre, sinon… Ah ! quel enfer ! Scélérat d’Hubert, il est cause de tout. Ah ! je le verrais guillotiné avec joie ; et quant à ma femme… Eh ! tant pis ! s’il me fallait choisir entre elle et moi, ma foi, elle y passerait ! Chacun pour sa peau, après tout ! Voici mon collègue… du calme.

Billaud‑Varenne entre dans le salon : ce n’est pas un monstre, ainsi que l’a dit l’avocat, mais un homme de convictions inflexibles et d’une probité rigide ; jouissant de quelque fortune, il ne touche pas, non plus que Lepelletier Saint‑Fargeau, Hérault de Séchelles et autres riches citoyens, l’indemnité allouée aux représentants du peuple ; doué d’une éloquence naturelle, souvent entraînante, il n’est pas un patriote plus intrépidement dévoué à la révolution et à la république que ne l’est Billaud‑Varenne ; il est, selon son invariable habitude, coiffé d’une petite perruque noire à cheveux ras, et vêtu d’un habit marron à boutons d’acier ; il porte, ainsi que Robespierre, Saint‑Just, Camille Desmoulins, etc., etc., etc., la dignité de soi jusque dans le soin de sa personne et de ses habits, au lieu d’affecter puérilement, comme l’avocat Desmarais, un sans-culottisme sordide.

— Eh bien, collègue ? — dit en entrant Billaud‑Varenne, — que viens-je d’apprendre par le commissaire de votre section, que j’ai rencontré sortant de chez vous ?

— Ah ! vous l’avez rencontré ; alors il vous a dit…

— Tout.

— Avouez qu’il est piquant que ce soit chez l’un de nous autres montagnards que l’on trouve un dépôt de poignards royalistes ?

— Ce fait s’explique très-naturellement : vous recevez une caisse en dépôt, vous ignorez son contenu, rien de plus simple.

— Pensez-vous, cher collègue, que la chose ait paru aussi fort simple au commissaire ? 


— Il n’en saurait, j’imagine, être autrement.

— Que sais-je… la défiance ?