défaille, chancelle, et n’a que le temps de se jeter sur un fauteuil, en murmurant d’un air égaré :
— Je suis perdu ! … Marat… la guillotine ! ! !
Madame Desmarais et sa fille s’empressent auprès de l’avocat, relèvent sa tête inerte, lui font respirer des sels ; il revient peu à peu à lui, et à peine a-t-il repris ses sens que Gertrude entre, et s’adressant à son maître :
— M. Billaud‑Varenne demande à parler tout de suite à monsieur, pour une affaire très-urgente.
L’annonce de la visite de son collègue à la Convention semble ranimer l’avocat : une lueur d’espérance brille dans son regard naguère éteint ; il se lève brusquement, en se disant : « — Billaud doit avoir vu Saint‑Just, si celui-ci accepte mes propositions, je suis sauvé ! » — Puis, d’une voix brève et dure, s’adressant à sa femme : — Rentrez chez vous, madame.
— Mon ami, je…
— Rentrez chez vous à l’instant, madame ; j’ai à causer d’affaires avec le citoyen Billaud‑Varenne, — répond l’avocat en frappant du pied.
Madame Desmarais se retire suivie de sa fille, qui se disait :
— Ah ! pour la première fois de ma vie mon père m’a inspiré de la terreur ; lorsqu’il s’est jeté sur ma mère, son regard était féroce !
M. Desmarais, lorsque sa femme et sa fille sont éloignées, dit à Gertrude :
— Faites entrer le citoyen Billaud‑Varenne.
La servante sort, et l’on voit dans la pièce voisine les deux agents assis près de la porte du salon.
— Remettons-nous, dit l’avocat essuyant la sueur froide dont son front est inondé, — Billaud‑Varenne est une autre espèce de monstre, peut-être encore plus dangereux que Marat, parce qu’il est plus contenu. Quelle réponse m’apporte-t-il ? Si Saint‑Just consent à devenir mon gendre, je n’ai plus rien à craindre, sa puissante in-