Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/324

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— Sans doute ; l’effet de ces paroles a été d’autant plus saisissant, que Robespierre, vous le savez, s’enthousiasme difficilement ; il a surtout relevé, en y applaudissant, ce passage du discours de Jean Lebrenn où, après avoir dit que Louis XVI était né bon et humain…

— Comment ! Jean Lebrenn a eu l’audace de faire l’éloge du tyran au club des Jacobins ?

— Cet éloge était la plus foudroyante des accusations contre la monarchie.

— Expliquez-vous, cher collègue.

« — Louis XVI était né bon, humain, doué de qualités privées, » — a dit Jean Lebrenn, — et voyez ce qu’il y a de corrupteur, de subversif, de détestable dans l’essence même de la royauté : elle a forcément, fatalement fait de cet homme, heureusement doué, un traître, un parjure, un meurtrier, un parricide, car il a déchaîné contre la mère patrie les armées étrangères et les émigrés ! Ah ! citoyens, en jugeant, en condamnant légalement ce grand coupable, c’est moins encore l’homme que le roi, et moins encore le roi que la royauté que vous frapperez ! La hache qui fera tomber la tête de Louis XVI décapitera la monarchie, cette dynastie de race étrangère imposée à la Gaule depuis quelques siècles par la violence et la conquête ! »

— C’est superbe ! — s’écrie l’avocat ; — c’est admirable ! Ah ! comme je reconnais là mon élève.

— Votre élève vous fait honneur, cher collègue, car il a, par une très-habile et très-éloquente péroraison, trouvé le moyen de déplorer les journées de septembre, en leur opposant la condamnation juridique de Louis Capet. — « Un dernier mot, citoyens, a ajouté Jean Lebrenn. Avant le 10 août, les crimes de Louis XVI étaient notoires, il méritait la mort. Supposez que le peuple, dans sa fureur, eût fait sommairement justice du coupable ; supposez… qu’il eût été frappé pendant l’insurrection ; comparez ce trépas,