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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/49

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roi déserteur, sous la surveillance illusoire des comités ! elle conserve le ministre de la guerre, que cent fois je vous ai dénoncé comme persécuteur des officiers patriotes et soutien des officiers aristocrates ! Et qui est chargé de la surveillance de ce ministre ? Un comité composé de colonels royalistes ! Enfin, quel est le ministre des affaires étrangères ? Un Montmorin, secret complice des complots de Louis XVI à l’étranger ! Citoyens, est-elle assez flagrante la coalition des fonctionnaires civils et militaires ? est-elle assez flagrante la connivence de l’Assemblée nationale ? »

Cette nouvelle affirmation si claire, si précise de la conduite coupable de l’Assemblée excite de nouveau les murmures des jacobins et les applaudissements du peuple. Celui-ci, dans son anxieuse impatience, attend avec une curiosité dévorante que Robespierre lui signale enfin ces mesures à prendre pour que le jour de la fuite du roi soit le plus beau jour de la révolution.

« — Ce que je viens de vous dire, citoyens, est, je vous le jure, l’exacte vérité, — reprend Robespierre d’un ton solennel. — Cette vérité, pouvais-je la faire entendre à l’Assemblée nationale ? Non… je n’aurais pas été écouté… Ah ! je le sais, cette dénonciation est dangereuse pour moi, peu importe ! car elle est utile à la chose publique. Cette dénonciation aiguisera contre moi mille poignards ! Je vais être l’objet de la haine de mes collègues de l’Assemblée, presque tous contre-révolutionnaires… les uns par ignorance, d’autres par terreur… d’autres par ressentiments privés, d’autres par une confiance aveugle, d’autres par corruption… Je me dévoue à la haine… à la mort ! Je le sais… — ajoute Robespierre avec une tranquillité stoïque ; puis, sa physionomie, ordinairement impassible, se détend peu à peu ; on y lit à la fois le sincère renoncement à la vie et l’appréhension navrante des malheurs publics ; il s’interrompt un instant et reprend d’une voix profondément émue : « — Ah ! lorsque, encore inconnu, je siégeais à l’Assemblée, j’avais déjà fait le sacrifice de ma vie à la vérité, à la liberté, à la patrie ! Mais au-