Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/5

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race et de naissance se joint bientôt le nombre considérable des ci-devant privilégiés dépossédés par les décrets de l’Assemblée nationale ; ils se liguent dès lors contre la constitution ; ainsi elle a pour ennemis les anciens membres des parlements, depuis la suppression de ces compagnies ; les pays d’États, depuis le décret de l’unité départementale ; les officiers aristocrates, depuis l’organisation démocratique de l’armée ; l’ancienne magistrature, depuis l’abolition de la vénalité ou de l’hérédité des charges ; les fermiers, depuis l’abolition des dîmes et des droits féodaux, de ces droits monstrueux ; une foule de bourgeoisies, depuis l’abolition des maîtrises, des jurandes, des corporations et des immunités de certaines villes ; les gens du fisc et les traitants, depuis l’abolition de mille impôts vexatoires, des aides, gabelles, taille, etc., etc. Enfin, l’ordre apporté dans les finances, la création d’un papier-monnaie, les assignats, dont les biens nationaux représentaient et au delà la contre-valeur, les projets d’institutions de crédit national aliènent à la constitution les financiers, les traitants, les fermiers généraux, qui faisaient payer si cher leurs capitaux ; en somme, cette effrayante quantité de bourgeois parasites, vivant jadis des incalculables abus de l’ancien régime, et cette portion non moins considérable du tiers état, enrôlée dans la garde nationale, qui voulait la monarchie constitutionnelle et fictive, afin de gouverner de fait, en substituant l’aristocratie de l’écu à l’aristocratie de naissance ; cette foule d’égoïstes, d’ambitieux, de cupides, de corrompus, va combattre avec acharnement la révolution… Mais, rassurez-vous, fils de Joël ! il lui reste pour défenseurs bon nombre de bourgeois patriotes, et l’immense majorité des prolétaires, résolus de maintenir au prix de leur vie cette révolution, qui a consacré la souveraineté du peuple, l’a investi de ses droits politiques, lui a donné l’égalité civile, et lui promet davantage…

Bientôt l’hostilité de la cour se déclare audacieusement. Louis XVI refuse de sanctionner la Déclaration des droits de l’homme, base fondamentale de la constitution, et oppose son veto à la loi qui décrète