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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/6

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la vente des biens du clergé. Puis les projets liberticides des fanatiques de la royauté se révèlent avec une insolence inouïe. Le 1er octobre (1789), des régiments étrangers sont appelés à Versailles ; les gardes du corps invitent à un banquet les officiers nouveaux venus et ceux des dragons de Montmorency, des régiments suisses, des cent-Suisses, de la maréchaussée et de la prévôté ; quelques capitaines monarchiens, choisis dans la garde nationale de Versailles, sont aussi conviés ; les officiers de l’armée, au lieu de porter la cocarde nationale aux trois couleurs, se parent avec affectation d’énormes cocardes blanches… La cour offre à ces militaires un somptueux banquet, dont le roi fait les frais : la table est servie dans la salle de spectacle du palais de Versailles, brillamment illuminée. La musique du régiment de Flandre et des gardes du corps fait entendre pendant le repas des airs royalistes ou de circonstance, tels que : Vive Henri IV ! ou Ô Richard, ô mon roi, l’univers t’abandonne… Le vin, largement distribué, échauffe les têtes ; on porte la santé de la famille royale ; un capitaine de la garde nationale propose la santé de la nation : il est couvert de huées. Bientôt les officiers introduisent leurs soldats dans la salle, dont ils garnissent toutes les loges. En ce moment, le roi entre en habit de chasse, accompagné de la reine, tenant le dauphin par la main. À l’aspect de Louis XVI et de sa famille, des transports d’enthousiasme éclatent parmi les officiers ; la musique du régiment allemand fait entendre la marche des hulans, chant de guerre étranger ; alors l’ivresse se change en frénésie : on profère des injures, des menaces sanguinaires contre la révolution, contre l’Assemblée ; les trompettes de cavalerie sonnent la charge ; les officiers mettent l’épée à la main aux cris de : Vive le roi ! La cocarde tricolore est foulée aux pieds ; puis ces factieux, entraînant leurs soldats ivres comme eux, se répandent dans les cours du château, en proférant des imprécations sauvages contre les représentants du peuple. — J’ai été enchantée de la soirée de jeudi… — osa dire publiquement Marie-Antoinette, à propos de l’orgie de