Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/67

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luttes m’ont d’abord paru inexplicables… puis je les ai comprises, grâce à cette comparaison peut-être juste, malgré son apparente frivolité… Dans la république, éclatant symbole de la patrie régénérée, prospère, victorieuse et libre, ils voyaient une maîtresse… Chacun la voulait à lui seul, parce que tous l’adoraient avec l’ardeur fiévreuse, égoïste, jalouse, impitoyable d’une passion effrénée, qui, ne connaissant plus ni amis ni frères, quels que soient leur mérite, leurs vertus, ne voit partout que des rivaux haïssables à la mort… par cela seulement qu’ils aiment ce que vous aimez… qu’ils désirent posséder… ce que vous possédez… tandis que vous, vous vous croyez… vous vous sentez seul capable de rendre heureux, de servir, de protéger, de défendre, de sauver l’objet de votre idolâtrie !

Oui, selon moi, telle fut la coupable erreur des grands hommes de la révolution… ils aimèrent la république comme une maîtresse… et ils devaient l’aimer comme une mère… Oh ! s’il en eût été ainsi, quel changement ! Au lieu de ces haines farouches, mortelles, dont se poursuivent des rivaux, c’était la tendre affection qui unit les enfants d’une même famille… c’était leur généreuse émulation à servir, à protéger, à défendre une mère chérie.

Ah ! que du moins les terribles enseignements du passé, écrits avec le sang de vos immortels aïeux de la révolution, vous soient profitables, fils de Joël… ne voyez jamais que des frères dans ceux-là qui ont prouvé leur dévouement sincère à la république ! ! Si, à vos yeux… vos frères ont erré dans le moyen de servir la cause commune, pardonnez-leur et aimez-les toujours, au nom de la sainte fraternité ! !


26 juin 1791. — Hier soir, Victoria et moi, nous avons été témoins du retour de Louis XVI à Paris. Il a été arrêté à Varennes, dans la nuit du 22 au 23 juin. Le citoyen Drouet, ancien dragon et