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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/74

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missive du marquis de Bouillé à l’Assemblée, les incroyables décrets de cette assemblée ; le tolle général qu’ils ont soulevé dans la presse patriote, tout concourait à donner au retour de Louis XVI à Paris une importance considérable. Voilà pourquoi ma sœur et moi, nous avons désiré observer l’impression produite sur la population par la présence de son roi.

Une foule immense encombrait les Champs-Élysées et la place Louis-le-Vicieux (ce dicton ayant remplacé l’appellation de place Louis XV, où, à la honte de la France s’élève encore la statue équestre de ce roi immonde). Je ne saurais rendre l’expression du regard de Victoria, lorsque d’un geste elle m’a désigné l’image en bronze de cet infâme porte-couronne, lui, l’auteur de tous les malheurs dont a été accablée notre famille ! Nous sommes, après de grands efforts, parvenus, ma sœur et moi, à nous approcher de la double haie formée par la garde nationale afin de laisser une voie libre pour le passage du cortège royal. Nous avons vu dans cette voie où il se promenait au pas de son cheval, M. Hubert ; son bataillon était l’un de ceux qui composaient la haie.

(Je note ici, en passant et par parenthèse, que M. Desmarais, qui a jusqu’à présent voté avec la minorité républicaine de l’Assemblée, s’est trouvé subitement et très-gravement malade le 21 de ce mois, jour où la fuite de Louis XVI a été dénoncée à l’Assemblée. L’indisposition subite de M. Desmarais devait avoir des suites graves et surtout prolongées, car il a obtenu, plus tard, un congé de convalescence qui l’a tenu éloigné de l’Assemblée jusqu’à la fin de cette année 1791. Il est allé à Lyon rejoindre sa femme et sa fille, de qui je reçois souvent des lettres remplies de dignité, de tendresse, et dans lesquelles elle me proteste toujours de sa résolution de n’avoir d’autre époux que moi.)

Nous étions placés, Victoria et moi, non loin des gardes nationaux formant la haie et appartenant au bataillon des Filles-Saint-Thomas, commandé par M. Hubert. Divers propos tenus par eux, et arrivant