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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/75

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jusqu’à nous, prouvaient qu’ils partageaient les idées de leur chef, royaliste constitutionnel.

— Peu nous importe le roi ! — disait un garde national ; — ce que nous voulons, c’est la royauté ! Ce que nous ne voulons pas, c’est la république.

— Et nous ne la voulons pas uniquement pour cela que les anarchistes et les pillards la veulent.

— Si les sans-culottes des faubourgs sont tentés d’avoir une journée, ils l’auront, et l’on verra que les bonnets de peaux d’ours ne reculent pas devant les bonnets rouges.

— L’on verra que les baïonnettes ne reculent pas devant les piques.

Ces paroles imprudentes, provocatrices, témoignaient du déplorable aveuglement de la majorité de la bourgeoisie, dont la défiance et l’hostilité à l’égard du peuple allaient, et devaient malheureusement aller toujours empirant. (Hélas ! cette journée, que dans leur aberration certains gardes nationaux demandaient, ne devait pas se faire attendre plus d’un mois. Elle ne fut que trop connue plus tard sous le nom du massacre du champ de Mars.)

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

La foule au milieu de laquelle nous nous trouvions, ma sœur et moi, restait dédaigneuse des paroles agressives des gardes nationaux. L’on attendait avec une impatience croissante la venue du cortège royal. Tout concourait à donner à la scène dont nous allions être témoins, un caractère imposant. De vifs éclairs, accompagnés d’un tonnerre lointain, sillonnaient le ciel orageux et sombre. L’attitude du peuple semblait sévère, recueillie ; son sentiment en cette circonstance se résumait pour ainsi dire par le texte de nombreux écriteaux promenés au bout de piques surmontées d’un bonnet rouge et portant ces inscriptions, placardés à profusion depuis le matin dans les faubourgs, et répétés par les journaux patriotes :

Celui qui applaudira Louis XVI recevra des coups de bâton. Celui qui l’insultera sera pendu