Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/85

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trône, qu’attaquer le trône, c’était, tôt ou tard, attaquer le capital et la propriété… Voilà ce dont s’aperçoit aujourd’hui le tiers état… De là vient le brusque temps d’arrêt… la réaction contre-révolutionnaire du parti bourgeois ; oui, pour défendre et sauver les priviléges de ses écus, il va tenter de se rattacher à la monarchie qu’il a détruite à demi, et, au besoin, il se rattachera même à l’Église, à laquelle il ne croit point ; mais il est trop tard, l’impulsion est donnée, la révolution lancée ; aussi, quoi qu’il advienne, et dans un temps plus ou moins prochain, il en sera des priviléges de la bourgeoisie capitaliste ce qu’il en a été des priviléges de l’Église, de la noblesse et de la royauté… Seulement, n’oubliez jamais ceci… La révolution ne sera complète, affermie, triomphante et féconde que lors de l’avénement de la république, de la vraie république, entraînant l’abolition radicale du privilège de l’écuparce qu’alors le peuple sera matériellement affranchi, de même qu’il est à cette heure moralement affranchi… sinon la révolution ne sera que partielle ; elle ne portera pas tous les fruits qu’elle doit porter… Alors le peuple, déçu dans ses légitimes espérances, épuisé par la lutte, éprouvera une passagère, mais déplorable défaillance, dont profiteront ses éternels ennemis, et ce sera peut-être à une seconde génération révolutionnaire de reprendre et d’accomplir l’œuvre laissée inachevée par ses pères… En un mot, chaque classe cherche dans le gouvernement la satisfaction de ses intérêts personnels :

» — La noblesse et le clergé veulent la monarchie absolue ;

» — La bourgeoisie veut la royauté constitutionnelle ;

» — Le peuple veut la république sociale, que prêche Claude Fauchet dans le Club social… » — Dis, ma sœur, — ai-je repris voyant Victoria pensive, — ces sages et prophétiques paroles ne sont-elles pas l’explication du mystère en apparence incompréhensible de cette Assemblée bourgeoise, qui, tu l’as dis, recule épouvantée devant son œuvre, et, dans son égoïsme aveugle, tente de