Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 14.djvu/86

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mettre ses priviléges à l’abri d’un fantôme de roi, à cette heure où elle reconnaît que l’inexorable niveau de la république doit passer également sur tous les priviléges de race ou de caste, de naissance ou de fortune ?

— Tu dis vrai, mon frère… Claude Fauchet explique ces apparentes contradictions qui me semblaient incompréhensibles.

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17 juillet 1791 (dimanche minuit). — Il y a une heure… je suis revenu dans notre logis ; j’étais frappé d’épouvante et d’horreur… Hélas ! fils de Joël, le mois dernier, lors du retour de Louis XVI à Paris, la garde nationale promettait au peuple une journée… Cette journée vient d’avoir lieu… Elle s’appellera désormais : le massacre du champs de mars

Après avoir échappé miraculeusement à la mort, j’ai quitté ce lieu funèbre jonché de cadavres d’hommes, de femmes, d’enfants… Mon esprit est calme maintenant ; je vais, fils de Joel, vous retracer ce déplorable événement et ses causes, si étroitement liées à la fuite et au retour de Louis XVI. Telle a donc été l’égoïste opiniâtreté de l’Assemblée à tenter de sauvegarder encore les priviléges de la bourgeoisie, grâce à un fantôme de royauté, que cette Assemblée, que ses prétoriens, les gardes nationaux, n’ont pas reculé devant le massacre ! ! pour entraver l’irrésistible élan de la révolution…

Ah ! malheur ! malheur irréparable… il existe maintenant un abîme de sang entre le peuple et la bourgeoisie, dont les intérêts sont pourtant communs ! Où s’arrêtera désormais cette lutte fratricide… seulement profitable à nos ennemis éternels ?…

Vous avez vu, fils de Joël, avec quelle imposante dignité le peuple, dédaignant de répondre aux provocations de la garde bourgeoise, avait assisté à la rentrée de Louis XVI passant sous les yeux de ses sujets