Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/120

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du chiffre de la dot que lui accordait son père ; cependant, sachant par madame Desmarais que cette dot devait primitivement s’élever à cent vingt mille livres, enfouies dans la cave de la maison, la jeune fille fut blessée, non de la réduction de la somme, mais du secret calcul de l’avocat qui, pensait-elle (et elle ne se trompait pas), en la dotant si pauvrement, comptait obliger Jean Lebrenn, qu’il devait défrayer de tout, à demeurer auprès de lui, Desmarais, et ainsi avoir toujours à ses côtés, si cela se peut dire, son paratonnerre. Le fiancé de Charlotte, non moins pénétrant qu’elle ne l’était elle-même, devinait aussi l’arrière-pensée de son futur beau-père, pour qui sa mésestime augmenta, si possible ; il reprit donc, éludant de répondre aux dernières paroles de l’avocat, relatives à leur habitation en commun :

— Je vous remercie de vos offres, citoyen Desmarais, je ne désirais qu’une chose au monde, la main de Charlotte ; je l’ai obtenue, tout le reste n’est à mes yeux que d’un intérêt secondaire.

— Une pareille délicatesse ne me surprend nullement de votre part, mon cher Jean : ainsi vous acceptez les bases dotales du contrat ?

— Parfaitement.

— En ce cas, allons sur-le-champ nous occuper de sa rédaction ; ensuite je vous présenterai comme mon gendre à mes collègues de la montagne, et je serai fier de leur dire : « Mon élève en patriotisme est devenu mon gendre ; le bourgeois s’enorgueillit de donner sa fille au prolétaire, et de prouver ainsi son dédain pour ces odieux préjugés qui, trop longtemps, ont séparé la bourgeoisie et le peuple. » Et, sur ce, venez, mon cher élève, partons.

— Adieu, Charlotte. En accompagnant votre père à la Convention, je verrai tout à l’heure les membres du Comité de sûreté générale au sujet de votre oncle, — dit tout bas Jean Lebrenn à sa fiancée, tandis que l’avocat était allé prendre, à l’extrémité du salon, sa houppelande et son chapeau.

— Ah ! si j’avais pu hésiter à quitter la maison. paternelle, — répond