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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/162

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garçon serrurier que je m’enorgueillis de pouvoir vous nommer mon gendre !

Si la famille de l’avocat avait pu hésiter encore à se séparer de cet hypocrite, de cet ignoble menteur, de ce lâche, que sa lâcheté rendait parfois féroce, leurs derniers scrupules se seraient évanouis devant les dernières paroles de ce misérable où se révélaient les odieux calculs, les faussetés, la terreur que lui inspirait le trouble de sa conscience vengeresse ; aussi, Jean Lebrenn, dominant à peine son dégoût et empressé de mettre fin à cette scène révoltante, doublement pénible pour lui, pour Charlotte et pour sa mère, reprit :

— Citoyen Desmarais, il existe entre nous un malentendu, et j’ai hâte de faire cesser…

— Quoi ? quel malentendu ?

— Celui-ci… ma femme et moi, après mures réflexions, nous sommes décidés à vivre dès aujourd’hui chez nous.

— Chez vous ? — répéta l’avocat abasourdi et ne comprenant pas encore complètement le sens des paroles de Jean Lebrenn, — Comment cela ? qu’est-ce que ça signifie ?… Vivre chez vous ?

— Cela signifie, citoyen Desmarais, que mon patron me cède son établissement de serrurerie.

— Eh bien ! ensuite ?

— Il suit de ceci que mes travaux et la surveillance de mon atelier m’obligent d’habiter, ainsi que ma femme, ailleurs que chez vous, citoyen Desmarais ; j’ai, en conséquence, loué la maison jusqu’ici occupée par mon ancien patron, et, dès ce soir, ainsi que je vous l’ai dit tout à l’heure, ma femme et moi nous allons prendre possession de notre nouveau domicile.

— Oui, mon père, — ajouta Charlotte, — telle est en effet notre résolution bien arrêtée.

À ces mots, prononcés par Jean Lebrenn et par sa femme d’une voix ferme et avec un accent qui n’admettait pas de réplique, l’avocat