Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/244

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sur lesquelles on aimerait tant à jouer l’air de Ça ira, en crachant du plomb aux Prussiens ! et ça irait, nom d’une pipe ! ça irait !! Mais, que veux-tu, nous n’avons pas de chance ! Ah ! mon vieux ! nous sommes environ comme les pauvres ouvrières des fabriques de soie de Lyon et de Tours, elles voient porter par d’autres les belles étoffes qu’elles ont tissées ! Enfin, tant il y a que nous n’avons pu aller à nos sections, puisque nous travaillons sans désemparer depuis six heures du matin jusqu’à onze heures ou minuit… et, de ce travail civique, tu nous donnes l’exemple… car si tu es avant nous à l’atelier, tu en sors après nous.

— C’est mon devoir… je vous demande de grands efforts au nom de la république, je dois, et des premiers, payer de ma personne.

— Tiens… Jean ! tu es ce que l’on peut appeler un homme… là… un crâne homme…

— Allons, nous sommes de trop anciens camarades pour nous faire des compliments.

— Appelle la chose comme tu voudras… moi je répète que tu es un crâne homme.

— Castillon, je…

— Il n’y a pas de Castillon qui tienne, nom d’une pipe !!! Voyons, qu’est-ce que tu nous as dit quand t’as eu acheté le fonds de notre ci-devant patron, le bonhomme Gervais ?… Tu nous as dit ceci : — « Nous voilà réunis une vingtaine de bons garçons, travaillant bravement en famille comme de bons républicains… Faisons nos comptes : l’établissement rapporte, et doit rapporter en moyenne, de bénéfice, tant. — Bon… sur ce bénéfice, il nous faudra d’abord prélever la somme que je dois rembourser annuellement à maître Gervais, et au bout de dix ans l’établissement nous appartiendra. Jusque-là, nous nous partagerons les bénéfices proportionnellement aux heures de travail exécuté par chacun de nous, vu qu’il est équitable que ceux-là qui préfèrent augmenter leur salaire en piochant quelques heures de plus que les autres