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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/354

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que tu possédais… ta vie et tes deux chevaux… Ton nom est de ceux dont on se souvient toujours.

— Ah ! tu étais à l’Assemblée ce jour-là, capitaine ?

— Oui, je revenais de l’Abbaye…

— Où tu avais aussi travaillé ?

— Nécessité terrible et fatale… je le croyais du moins… Mais ce qui est certain, c’est qu’aujourd’hui je ne recommencerais pas cette expédition-là ! — répondit tristement le capitaine Martin. — Le soir, je partais comme toi pour la frontière, et depuis je n’ai pas quitté l’armée.

— Comme on se retrouve pourtant ! — reprend Castillon. Puis, s’adressant au canonnier : — Ah çà ! un verre de vin, mon ancien, c’est un nouveau venu qui régale…

— Ce n’est pas de refus, camarade… je suis gelé, — répond Duchemin, et il s’écrie d’un ton de récrimination courroucé : — Brigand de Rouget ! triple gueux… il faut que Pitt et Cobourg l’aient débauché… car jamais mon vieux Rouget ne m’aurait joué de lui-même un pareil tour !… lui jusqu’à présent si bon citoyen à sa manière !!

— De quel Rouget parles-tu, l’ancien ?

— C’est le nom d’un des deux chevaux dont j’avais fait don à la patrie… Mes deux bêtes et moi, nous nous étions enrôlés tous trois, en 92, dans le septième régiment d’artillerie volante ; mais mon autre cheval, mon brave Gris-Gris, manque à l’appel depuis la bataille de Watignies… par l’inconvénient d’un boulet de quatre qu’il a reçu dans le ventre, alors que le montait l’un des servants de ma bien-aimée Carmagnole.

— Comment ! — reprend Castillon surpris, — ta bien-aimée Carmagnole ?

— J’ai baptisé de ce nom patriotique et chéri la pièce de quatre dont j’ai le commandement dans ma batterie… Ah ! citoyens, — ajoute Duchemin répondant à l’hilarité des volontaires, — si vous