Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/82

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— Par moi ? Tu mens.

— Écoute : Neroweg, leude de Clovis, et comte au pays d’Auvergne par le droit de conquête, fit un jour dans son burg ou repaire, martyriser un de mes aïeux, pauvre moine laboureur, nommé Loysik ; son frère, Kervan-le-Vagre, devait être mis à mort ; leur père, Karadeuc-le-Bagaude, à la tête d’une bande de vagres révoltés contre l’oppression des seigneurs, attaqua le burg, le mit en cendres, délivra ses deux fils, se battit contre ton aïeul Neroweg et le tua. C’était justice : ce compte est réglé, tu ne me dois rien là-dessus ; je ne te parle du martyre de Loysik que pour mémoire.

— Tu es généreuse.

— Je suis équitable, et ne fais jamais payer deux fois ce qui m’est dû. Écoute encore : au onzième siècle, un autre de mes aïeux, Den-Braô-le-Maçon, était serf de Neroweg VI, sire de Plouernel en Bretagne. Celui-ci faisait bâtir un donjon. Den-Braô, ainsi que d’autres serfs, eurent l’ordre de creuser dans le roc un passage souterrain, conduisant des dernières profondeurs du donjon à la plaine. Ce travail fut exécuté ; puis, afin d’ensevelir le secret de ce passage avec ceux qui l’avaient creusé, le sire de Plouernel fit murer les deux issues du souterrain, où mon aïeul et seize autres serfs furent laissés garrottés : tous moururent en proie aux horreurs de la faim ; et maintenant, voyons, comte, sois sincère : n’est-il pas équitable que je venge sur toi la mort horrible et impunie de Den-Braô-le-Maçon ?

— Ainsi, je serais solidaire d’un crime commis il y a des siècles !

— Comte, tu as hérité de l’antique donjon de Plouernel : il sert de point de vue au magnifique château élevé par l’un de tes ancêtres à l’époque de la renaissance. Or, tout héritage s’accepte avec ses charges et redevances. Comte, tu as hérité du nom et du patrimoine de tes pères, tu me dois le prix du sang de mon aïeul Den-Braô-le-Maçon.

— La logique est nouvelle.

— Écoute encore : un autre de mes aïeux, Bezenech-le-Riche,