Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/85

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tard la tête tranchée, comme l’un des chefs de la jacquerie ; son frère, Mahiet-l’avocat-d’Armes, se battit contre ton ancêtre, seigneur de Plouernel et de Nointel, et le tua…

— D’où il suit que cette nouvelle revendication de ta part n’est non plus que… pour mémoire ?

— Elle n’est que pour mémoire, et, en fin de compte, je n’ai à te revendiquer que le prix du sang de Den-Braô-le-Maçon, de Bezenech-le-Riche et de sa fille ; je laisserai même, vois ma générosité, je laisserai même comme dette douteuse le prix du sang de Karvel-le-Parfait et de sa femme Morise, suppliciés lors de la croisade contre les Albigeois ; ton aïeul le templier fut, il est vrai, l’un des bourreaux de cette croisade, mais il n’a pas eu personnellement part à ce supplice.

— Je te remercie.

— Es-tu enfin convaincu ?

— Très-peu, car la base de ton raisonnement est ceci : « J’ai accepté le nom et l’héritage de mes pères avec ses bénéfices et ses charges, donc je suis solidaire de leurs méfaits. »

— Certes, et n’est-ce pas justice ?

— Mais, d’abord, ces méfaits, fussent-ils prouvés, je les ignorais, moi.

— Allons, comte, si demain l’on te prouvait que ton père ou ton grand-père ont contracté une dette, qu’elle est restée impayée, ne regarderais-tu pas comme un devoir d’honneur de l’acquitter ?

— Soit ; mais, si dépouillé de tout ce que je possède, il ne me reste rien pour l’acquitter, cette dette ?

— Que veux-tu dire ?

— Cet immense patrimoine de la maison de Plouernel, ces vastes domaines d’Auvergne, de Beauvoisis et de Bretagne, qui, avant cette estimable révolution, dont tu es l’une des glorieuses héroïnes, me rapportaient plus de cinq cent mille livres de rente…

— Eh bien ?