Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/86

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


— Eh bien, l’abolition des droits féodaux m’a d’abord enlevé plus de la moitié de mes revenus, puis la loi sur les émigrés m’a dépouillé plus tard de mon patrimoine, confisqué au profit de la nation ; de sorte que sans quelques pauvres milliers de louis mis en réserve par mes intendants, je serais à cette heure sans un rouge liard.

— Qu’est-ce que cela prouve ?

— Comment ? Mais cela prouve que cette infâme révolution (pardon de ma sincérité) m’a dépouillé de mes domaines héréditaires ; or, selon toi, qui accepte les bénéfices doit accepter les charges et les dettes. Me voici dépossédé, comment pourrais-je payer ? Réponds à cela ?

— Rien de plus facile. D’abord, toi et tes pareils de race noble, vous vous prétendez dépouillés, volés par la révolution, qui a aboli les droits féodaux et confisqué, au profit de la nation, vos immenses domaines.

— Nous avons l’impertinence de nous croire dépossédés.

— C’est pire qu’impertinent… c’est sot.

— Vraiment ?

— Comte, à qui appartenait la terre des Gaules, lorsque tes ancêtres de race franque, au temps de Clovis, s’en sont emparés ?

— Elle appartenait aux Gaulois.

— S’emparer par la force de quelque chose qui appartient à quelqu’un, comment est-ce que cela se qualifie ?

— Conquérir.

— Oui, pour ceux qui profitent du larcin, cela s’appelle conquérir, mais les larronnés appellent cela voler.

— Oh ! oh !

— C’est voler dans la plus complète acception du mot ; oui, les hordes de Clovis ont, non-seulement volé le sol des Gaules, ils ont volé ses maisons, volé son bétail, volé ses richesses, dont ils se sont rendus maîtres par la violence, par le meurtre, et puis ils ont réduit à l’esclavage les habitants dépouillés de tout bien.