avec un éclat de rire sardonique, — c’est pousser loin l’impudence !
— Comte de Plouernel, — reprend Jean Lebrenn imperturbable, — je suis d’un avis opposé à celui de ma sœur…
— Mon frère ! — s’écrie Victoria avec anxiété, — que vas-tu faire ?
— La révolution, en anéantissant la royauté, la noblesse et le clergé, en les réduisant, par la perte de leurs privilèges, à l’impuissance de nuire, malgré les tentatives désespérées de quelques criminels endurcis, la révolution a châtié les crimes séculaires des éternels ennemis du peuple ; le mal que votre race a fait à la nôtre est expié. Comte de Plouernel, les conquis ont vaincu leurs conquérants ; la nation a repris sa souveraineté, la république est proclamée ; justice est faite !
— Jean ! — s’écrie Victoria, — y songes-tu ?
— Sang-Dieu ! — dit M. de Plouernel, — vous allez voir que ce va-nu-pieds aura l’insolence de m’octroyer ma grâce au nom du peuple souverain.
— Comte de Plouernel, vos juges et non moi vous feront grâce, si vous la méritez, — répond Jean Lebrenn, s’efforçant de rester au-dessus des grossières injures de l’émigré ; — vous seriez demeuré paisible en France, comme quelques ci-devant nobles, je vous aurais laissé en paix, j’en jure Dieu ! malgré tout le mal que votre famille a fait à la mienne.
— Vraiment, tu m’aurais accordé cette faveur ?
— Oui, je vous aurais pardonné, comte de Plouernel, et je vais vous dire la cause de ce pardon : il y a un siècle et plus, un de mes aïeux, Nominoë, disait à Berthe de Plouernel, qu’il adorait : « — J’éprouve je ne sais quel ressentiment triste et tendre à la fois, en aimant en vous une descendante de cette race que j’ai, dès l’enfance, appris à maudire ; vous êtes à mes yeux, Berthe, un ange de pardon et de concorde. En vous, j’innocente vos aïeux ; loin de vous rendre solidaire de leurs iniquités, je les rends solidaires de vos