Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 15.djvu/95

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— Fils des Neroweg ! — s’était écrié Jean Lebrenn en brandissant sa terrible barre de fer, — défends-toi !

— Je t’attends, — répondit froidement le comte en se mettant en garde, la pointe au corps, et prêt à se fendre droit sur son adversaire et à le transpercer de son sabre, si, chose presque inévitable, l’artisan se découvrait si peu que ce fût en manœuvrant de sa barre de fer, comme s’il s’agissait d’un combat au bâton, ainsi qu’il venait de le dire à Victoria ; mais le robuste serrurier s’élança sur M. de Plouernel en décrivant un moulinet ou huit de chiffre si serré, si rapide, et auquel la vigueur athlétique de son poignet donnait une telle puissance que, rencontrant le sabre au moment où le ci-devant colonel aux gardes se fendait à fond sur son adversaire, la barre de fer brisa la lame et retomba d’aplomb sur le crâne de M. de Plouernel… Soudain, celui-ci, presque sans répandre de sang et sans pousser un seul cri, s’affaisse sur lui-même et roule sur le plancher comme un bœuf assommé d’un coup de masse.

Victoria, d’un bond, s’élance au cou de son frère, l’enserre de ses bras dans une étreinte convulsive, et, suffoquée par l’émotion, fond en larmes, sans pouvoir articuler une parole. Jean Lebrenn, partageant l’émotion de sa sœur, la presse tendrement sur sa poitrine ; mais, tout à coup, ils tressaillent en entendant frapper à la porte de la mansarde, et la voix du concierge s’écriant en dehors :

— Citoyen Jean, si vous êtes couché, levez-vous, on cherche un émigré dans la maison !

Le portier venait de prononcer ces mots, lorsqu’au milieu du silence que gardaient Jean et sa sœur, ils entendent un sourd gémissement poussé par M. de Plouernel ; ils se retournent et s’aperçoivent de quelques légers mouvements de ses mains et de ses jambes. Au même instant, le portier répète d’une voix plus haute, en frappant de nouveau à la porte :

— Réveillez-vous, citoyen Jean, réveillez-vous donc, on cherche un émigré dans la maison !