Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/190

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Pinet, Esone-Lavallée, Allard, J. B. Lejeune, Lacoste et Randot, anciens commissaires de la Convention à l’armée de Rhin et Moselle, et qui remplirent si dignement leur mission, enfin Charbonnier, Salicetti et Ricord.

Après avoir décimé les chefs, les thermidoriens décimèrent les soldats ; malgré les assurances d’oubli du passé et de fraternel accord pour l’avenir, prodiguées par la Convention aux faubourgs, debout, et en armes, plus de dix mille citoyens, accusés d’avoir pris part aux mouvements de germinal et de prairial, furent incarcérés aussitôt après le désarmement des sections : c’était le renouvellement de la terreur et de la loi des suspects atteignant, non plus les royalistes, les complices de l’étranger, les ennemis implacables de la révolution, mais frappant tous les suspects d’opinion républicaine. Les représentants du peuple, condamnés à mort comme complices du mouvement de prairial, voulant échapper à la honte de l’échafaud, se poignardèrent tous intrépidement avec le même couteau. Lisez, fils de Joël, lisez avec un pieux recueillement ces quelques lignes du procès-verbal de leurs derniers moments :

« Après la lecture du jugement, Goujon a déposé sur le bureau son portrait, en priant qu’on le fît passer à sa femme ; Duquesnoy a remis aussi une lettre qu’il a dit contenir ses adieux à sa femme, et à ses amis. — Je désire, — a-t-il ajouté, — que mon sang, soit le dernier sang innocent qui sera versé. Puisse-t-il consolider la république. Vive la république ! — Les ennemis de la liberté ont seuls demandé ma vie — a dit Bourbotte ; — mon dernier vœu, mon dernier soupir sera pour ma patrie… Les condamnés ont remis sur le bureau leurs cartes de députés, leurs portefeuilles, pour être remis à leurs familles, etc. On les a fait retirer. En descendant l’escalier, ils se sont porté des coups de couteau. On assure que Bourbotte a dit en se frappant : — Voilà comme un homme de courage sait terminer ses jours. Un officier de gendarmerie a apporté au président de la commission un couteau avec lequel il a dit que Bourbotte s’était frappé. Bientôt après on a annoncé que cinq des condamnés s’étaient frappés du même couteau. L’on a fait venir, un officier de santé pour vérifier l’état des condamnés et pour savoir s’ils pouvaient supporter le transport de la prison au lieu du supplice ; il a annoncé que Romme, Goujon et Duquesnoy étaient morts. Des trois qui furent conduits au supplice, Soubrany paraissait être le plus dangereusement blessé ; sa plaie était au côté droit ; il était tout ensanglanté. Le sang qu’il avait perdu lui