Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/192

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dix patriotes furent hachés en morceaux et brûlés le même jour.

Mais jetons un voile sur ces féroces saturnales, et reposons notre pensée en songeant à la gloire des armées républicaines. Elles avaient appris avec une douleur patriotique la chute de Robespierre ; mais alors soumises au pouvoir civil et militaire, au respect des arrêts de la Convention, elles acceptèrent le gouvernement thermidorien ; et, sous le commandement de Hoche, de Marceau, de Jourdan, de Moreau, d’Augereau, de Joubert, elles continuèrent de battre les rois coalisés. La Hollande, affranchie par nos armes, se constitua de nouveau en république ; la Prusse et l’Espagne demandèrent la paix et l’obtinrent ; les royalistes, encouragés par la réaction, tentèrent de soulever de nouveau la Vendée, avec l’appui des Anglais, qui opérèrent une descente à Quiberon ; mais Hoche étouffa cette guerre civile dans son germe. La Convention modifia, le 11 thermidor an III (22 août 1795), la constitution de 1793 ; la masse des prolétaires fut dépouillée de ses droits politiques (vous verrez bientôt, fils de Joël, les conséquences de cette iniquité). Ainsi, selon la constitution de 1793, tout citoyen âgé de vingt et un ans accomplis, né et domicilié en France, était électeur et membre du souverain ; selon la constitution de 1795, au contraire, il fallait payer un cens pour être investi du droit électoral ; la constitution dite de l’AN III divisait le pouvoir législatif en deux assemblées, le conseil des Cinq-Cents et le conseil des Anciens : il fallait être âgé de quarante ans pour faire partie de ce dernier ; le pouvoir exécutif, ou Directoire, se composait de cinq membres, choisis par les deux conseils, élus eux-mêmes par l’élection censitaire à deux degrés. Les assemblées primaires nommaient les électeurs, et ceux-ci nommaient les députés aux conseils ; l’imposition d’un cens électoral excluant les prolétaires du scrutin, et le livrant à la bourgeoisie réactionnaire, le parti royaliste ne douta pas du triomphe de ses candidats ; la majorité de la Convention, composée en partie de tièdes : républicains oligarchiques, et surtout de corrompus opposés à une restauration monarchique, dont ils redoutaient les vengeances (beaucoup d’entre eux ayant été, ainsi que l’avocat Desmarais, régicides par peur) tenta d’annihiler le succès certain des royalistes lors des élections futures, en décrétant que les deux tiers des conventionnels seraient obligatoirement réélus ; cette contrainte imposée à la liberté des suffrages était à la fois inique, absurde ; elle fut cause d’une nouvelle guerre civile ; la constitution de l’an III et le décret relatif à la réélection des deux tiers des membres de la Convention devaient être soumis à la sanction des assemblées