Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/244

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directeurs jacobins, complices des terroristes du conseil des Cinq-Cents. Ce signal donné, ces cinquante mille septembriseurs s’élanceront du fond des catacombes, le poignard d’une main, une torche de l’autre, feront une Saint-Barthélemy de bourgeois, violeront les femmes, égorgeront les enfants, pilleront les maisons, les boutiques, mettront le feu aux quartiers aristocratiques ; après quoi ils rétabliront le règne de la terreur, le comité de salut public, le maximum, la guillotine en permanence et tout ce qui s’ensuit. L’on dit que c’est cette nuit ou demain que doit éclater ce mouvement (a ajouté mon stupide cousin, pâle d’épouvante) ; je viens te demander refuge ; tu ne livreras pas aux égorgeurs le fils de la sœur de ta mère ! »

LEBRENN. — Mais c’est un conte de Barbe-Bleue, c’est absurde !

MARTIN. — C’est pour cela même que cela réussit à merveille. Oh ! ce misérable Fouché, comme il connaît bien son monde !…


DURESNEL. — Enfin, ce matin, soit dans les cafés, soit au passage Feydeau, où se réunissent les hommes de finance, le bruit court que, d’un moment à l’autre, demain peut-être, doit éclater une journée terroriste dont les moindres méfaits seront le pillage et le massacre.

MARTIN. — Il suit de là que le général Bonaparte et la force armée sont seuls capables d’exterminer ces cinquante mille septembriseurs, cachés dans les catacombes de Paris et prêts à mettre la cité à sac, à feu et à sang, à la voix des jacobins du conseil des Cinq-Cents. Si grossière que soit la trame, elle est du moins bien ourdie. Lucien Bonaparte et Fouché sont de madrés compères.

DURESNEL. — J’affirme qu’une foule d’imbéciles sont en proie à ces craintes ridicules, que feignent de partager, en les exagérant encore, une autre foule de coquins. En somme, je vous le répète, mes amis, et cela le cœur navré, égarée, effrayée par ces stupides, mais alarmantes rumeurs que propagent et commentent les nombreux affidés de Sieyès, de la famille Bonaparte, de Talleyrand, de Fouché, l’opinion publique est favorable à la dictature du général Bonaparte, lequel, disent les niais et les trembleurs, peut seul préserver la France des sanglants excès d’une nouvelle terreur et d’une effroyable anarchie. Et maintenant, quant au peuple, j’ignore ce qu’il pense, mais j’ai tout lieu de craindre qu’ébloui par la gloire du général Bonaparte, il ne soit sa dupe.

LEBRENN. — Ces craintes ne sont que trop fondées : Castillon, notre ancien camarade de l’armée de Rhin et Moselle, en proie lui