Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/249

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parce qu’elle offrait tous les symptômes de la mort. Mais pourquoi m’adressez-vous cette question ?

LEBRENN. — De grâce, qu’est-il advenu de la pauvre trépassée ?

HUBERT. — Elle est sortie de sa léthargie, a ébranlé les ais de son cercueil ; les personnes qui veillaient le corps l’ont délivrée…

LEBRENN. — Et bientôt elle a pleinement recouvré la santé ?

HUBERT. — En effet, telle est la fin du récit.

LEBRENN. — Telle pourra être aussi l’issue de l’enterrement de la république, auquel, selon vous, citoyen Hubert, je viens peut-être assister.

HUBERT. — Vous serez donc toujours un forcené jacobin, mon cher neveu ? vous voulez donc mourir dans l’impénitence finale ?

LEBRENN. — C’est mon ferme espoir. Mais laissons de côté la politique, nous ne nous sommes jamais entendus sur ce point ; il en sera toujours ainsi. Je suis chargé par ma femme et par sa mère de m’informer près de vous de la santé de mon assez peu honorable beau-père, votre collègue au conseil des Anciens.

HUBERT. — Mon avocat de beau-frère est toujours le même, regrettant journellement sa femme et sa fille avec des larmes de sang, ce qui, du reste, ne l’aurait empêché, ne l’empêcherait point, ce tendre époux, cet excellent père, d’envoyer à la guillotine sa femme et sa fille, s’il devait opter entre leur vie et la sienne. Or, cette vie à laquelle il tient tant, et qu’il a conservée au prix des plus abominables lâchetés, des plus honteuses apostasies, il la traîne dans l’isolement, le chagrin, dans des transes continuelles.

LEBRENN. — Je l’avais prévue cette punition terrible, mais légitime, de tant d’indignités.

HUBERT. — Vous avez été témoin de ses terreurs le 9 thermidor ? Eh bien, il a été en proie aux mêmes angoisses durant tout le temps de la réaction thermidorienne qui envoyait à l’échafaud les jacobins et les terroristes dont le malheureux avait partagé, exagéré l’opinion, toujours par crainte de ne point paraître assez pur, assez avancé. Jugez de ses peurs mortelles : il croyait voir arriver son jour après chaque exécution ; puis sont venues les journées de prairial et de germinal, où le peuple s’est insurgé en demandant du pain et la constitution de 1793. Un moment Desmarais a pris dans l’assemblée le parti de l’insurrection, comme Soubrany, Duquesnoy, Goujon et autres représentants, parce que l’insurrection lui semblait devoir triompher ; mais lorsqu’il l’a vue vaincue, il s’est cru perdu. Cependant