Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/278

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conseil des Anciens pour que nous soyons instruits du plan et des détails de cette vaste conspiration qui était, dit-on, à la veille de renverser la république.

Grandmaison quitte la tribune au bruit des applaudissements et des acclamations de l’assemblée ; les cris : Vive la constitution ! se prolongent pendant plusieurs minutes. Lucien Bonaparte, pouvant à peine dissimuler son irritation secrète, est forcé de mettre enfin aux voix la prestation du serment. Elle est votée à l’unanimité, l’infime minorité factieuse et complice du président n’osant pas se démasquer ouvertement par un refus de serment. Appelés à leur tour à la tribune, ils prononcent d’une voix embarrassée, timide ou presque inintelligible la formule consacrée : — Je jure fidélité à la république et à la constitution de l’an III…'

Lucien Bonaparte, ayant descendu de son fauteuil de président afin de prêter aussi le serment, monte à la tribune, et, au milieu d’un profond silence et de tous les regards attachés sur lui, il dit à son tour d’une voix altérée : — Je jure fidélité à la république et à la constitution de l’an III.

BRIOT, vivement. — Secrétaires du Moniteur… insérez au procès-verbal le serment solennel du citoyen Lucien Bonaparte ! (Bravos.)

GRANDMAISON. — S’il le trahit, sa trahison vivra dans l’histoire.

BIGONNET. — Citoyens représentants, le serment de l’orangerie de Saint-Cloud occupera sa place dans les fastes de l’histoire ! Il pourra être comparé à ce serment célèbre que l’Assemblée constituante prêta au Jeu de paume, avec cette différence qu’alors les représentants de la nation avaient cherché un asile contre les baïonnettes de la royauté, et qu’ici ils seront défendus par les baïonnettes des républicains.

PLUSIEURS MEMBRES. — Oui ! oui !

BIGONNET. — Le premier serment fonda la liberté, le second la consolidera… (Oui ! oui !… Acclamations énergiques.) Mais le serment serait illusoire si nous ne nous hâtions de le remplir, d’abord en adressant un message au Directoire pour lui annoncer notre installation, et ensuite en adoptant la proposition de Grandmaison, c’est-à-dire en envoyant un message au conseil des anciens pour lui demander compte des motifs de la convocation extraordinaire qui nous réunit ici. (Adopté ! adopté ! )

GRANDMAISON. — La translation du Conseil législatif à été ordonnée et exécutée sans opposition, quoique nous ne connaissions pas encore les motifs de cette mesure extraordinaire : je pense du moins que le plus grand nombre de nos collègues ignorent, ainsi que moi, le plan