Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/29

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— D’après le rapport d’un espion de retour ce matin à mon quartier général, — disait Hoche à Saint-Just, — rapport confirmant les renseignements donnés par deux déserteurs autrichiens arrivés hier soir à mon bivac, le général Wurmser, supposant sans doute que j’attendais des renforts dans l’excellente position d’Ingelsheim où nous avons campé cette nuit, doit s’être ce matin, au point du jour, porté en avant des lignes de Wissembourg et de la rivière de la Lauter, afin de nous livrer bataille…

— Ainsi, croyant prendre l’offensive et le trouver retranché dans ta position d’Ingelsheim, Wurmser va, contre son attente, se voir attaqué par notre armée ?

— Oui, puisque le brouillard, en nous dérobant la marche de l’ennemi, lui dérobe aussi la nôtre, — répond Hoche. — J’ai envoyé tout à l’heure quelques partis de cavalerie battre l’estrade, afin d’éclairer autant que possible notre avant-garde, à qui j’ai donné l’ordre de ralentir le pas… J’ai voulu me porter en avant de ma personne, pour juger par moi-même de la position de l’ennemi.

— Citoyen général, — reprend Saint-Just après quelques moments de réflexion, — te semble-t-il probable qu’un capitaine aussi expérimenté que Wurmser commette la grave imprudence de nous livrer bataille en avant de la Lauter et des lignes de Wissembourg, au lieu d’attendre l’attaque derrière ces lignes fortifiées au pied desquelles coule une rivière rapide ?… Ne serait-ce pas là une faute inexcusable ?

— D’autant plus inexcusable qu’en cas d’échec, Wurmser, refoulé sur la Lauter, n’aurait pour effectuer sa retraite qu’un seul pont jeté sur cette rivière, celui du village d’Allsladt, — répond Hoche ; — et cependant j’affirmerais que, si défectueux qu’il soit, tel est le plan de bataille de Wurmser.

— D’où te vient cette créance ?

— De ma connaissance de l’état moral et matériel de l’armée autrichienne. Sans doute, et je le répète, Wurmser, en livrant bataille ayant la Lauter à dos, commet une faute dont j’espère profiter ; mais il compte à sa gauche sur l’appui du corps prussien commandé par Brunswick, fortement retranché au Pigeonnier, près Nothweiller, et à sa droite il compte sur l’armée de Condé occupant Lauterbourg.

— Soit, citoyen général ; mais qui contraint, selon toi, Wurmser à livrer la bataille en avant des lignes de Wissembourg et de la Lauter ?