descendants de la race de Clovis et de la race de Charlemagne !
NAPOLÉON. — Quelles campagnes avez-vous faites ?
JEAN LEBRENN. — Celle de 1794, dans l’armée de Rhin et Moselle.
NAPOLÉON. — Ah ! sous la république ! Et depuis, avez-vous servi ?
JEAN LEBRENN. — Non, sire, j’étais marié, et je servais volontairement.
NAPOLÉON. — Votre état ?
JEAN LEBRENN. — Marchand de toile.
NAPOLÉON. — Quel quartier habitez-vous ?
JEAN LEBRENN. — La rue Saint-Denis.
NAPOLÉON. — Qu’est-ce que l’on dit de moi dans le commerce de la rue Saint-Denis ?
JEAN LEBRENN. — Sire !…
NAPOLÉON. — Parlez, parlez ; je veux qu’on me réponde sans chercher de phrases.
À ce moment, une nouvelle explosion de cris poussés par la foule arrive aux oreilles de Napoléon : — À bas les Bourbons ! — À bas les traîtres ! — Des armes ! — Aux frontières ! — L’empereur ! — Vive l’empereur !
NAPOLÉON, haussant les épaules. — Encore ! (À Jean Lebrenn.) Eh bien, que dit-on de moi dans la rue Saint-Denis ?
JEAN LEBRENN. — Vous désirez, sire, savoir la vérité ?
NAPOLÉON. — Oui.
JEAN LEBRENN. — La majorité de la bourgeoisie voit avec répugnance une nouvelle restauration ; mais pour la bourgeoisie commerçante, la restauration, c’est la paix assurée, c’est la reprise des affaires !
NAPOLÉON. — Toujours les mêmes, ces bourgeois ; la paix, les affaires ! Ils n’ont que ces tristes mots à la bouche. Chez eux, jamais l’ombre du sentiment national. Et le peuple de votre faubourg, que dit-il de moi ?
JEAN LEBRENN. — Les uns s’étonnent de votre inaction, sire, les autres sont plus sévères, et…
NAPOLÉON. — Mon inaction ! Est-ce que je n’avais pas les mains liées par la Chambre des députés, ces bavards, ces avocats, ces idéologues ! Ils n’ont songé qu’à pérorer, qu’à m’accabler de reproches, au lieu de m’aider à sauver le pays. Ils discutaient comme les Grecs du Bas-Empire tandis que les barbares étaient à leur porte ! L’on m’a réduit à l’impuissance, je subis mon sort !
JEAN LEBRENN. — Me permettez-vous, sire, une réflexion ?
NAPOLÉON. — Allez, parlez franchement.