Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/357

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c’est pour son triomphe un bon augure. Souviens-toi, Jean, des journées d’octobre à Versailles, et de celles de Paris après la fuite de Capet à Varennes.

JEAN LEBRENN. — Eh ! mes amis, si, comme tout le fait supposer, la lutte doit s’engager demain, si terrible qu’elle soit, je suis moins inquiet du succès que de savoir à qui il profitera. Le peuple et une fraction de la bourgeoisie vont encore verser leur sang ; mais je crains que les roués politiques, restés en dehors de la lutte, viennent après la victoire…

DURESNEL, riant. — Tirer les marrons du feu : c’est le cas ou jamais de le dire !

MARTIN. — En effet, le d’Orléans est bien fin et bien habile ; il a préparé son jeu de loin en attirant, depuis longtemps, au Palais-Royal, les gens les plus marquants de l’opposition et bon nombre d’officiers de l’empire, entre autres le général Olivier. Or, ces rapprochements…

JEAN LEBRENN. — Pardon de vous interrompre, mon ami ; mais, à propos d’Olivier, personne de nous ne l’a-t-il rencontré hier et aujourd’hui ? Je m’attendais pourtant à le voir ; car, depuis quelque temps, ainsi que nous, il pressentait les ordonnances, et il m’avait promis de se joindre à nous pour aviser.

MARTIN. — Le général n’assistait à aucune des réunions où j’aurais pu le trouver.

DURESNEL. — J’ai fait la même remarque, et je pensais que, dans son amour pour la vie rustique qu’il mène dans sa propriété de Touraine, il n’était pas à Paris.

MARTIN. — Il n’est pas probable qu’il soit resté en Touraine dans des circonstances si graves. Peut-être sera-t-il allé se renseigner au Palais-Royal, où il a des amis, puisque c’est à la sollicitation pressante de l’un de ses aides de camp que le duc d’Orléans s’est entremis afin d’obtenir que le général Olivier, condamné à mort par contumace après les Cent-Jours, pût rentrer en France.

MADAME LEBRENN. — L’on parle, m’a dit tantôt mon fils, d’un mouvement bonapartiste. Le général Olivier serait-il capable de revenir à son ancienne idole ?

JEAN LEBRENN. — Cela serait à peine croyable, si l’idole existait encore ; mais à quoi, et surtout à qui aboutirait un mouvement bonapartiste ? Ce serait absurde.

DURESNEL. — Eh ! mon ami, n’avons-nous pas été témoins de la colossale absurdité de la France au 18 brumaire, se jetant, effarée,