Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/381

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


JEAN LEBRENN. — Ce stupide aveuglement ne fut en partie dissipé, chez Charles X et son ministre, que dans la soirée du 29, lorsque les troupes, en pleine déroute, battaient en retraite sur Saint-Cloud ; alors les ordonnances furent révoquées, et MM. de Hortemart et Gérard, nommés ministres. Ces énormes concessions devaient, selon Charles X, satisfaire les Parisiens et mettre fin à l’insurrection.

MARIK. — Cette aberration est inconcevable !

MARTIN. — Ce qui est non moins inconcevable, c’est que Casimir Périer, Sébastiani et autres trouvaient la chose très-acceptable !

MARIK. — Et dans les événements, quelle a été l’influence de M. Laffitte ?

JEAN LEBRENN. — Détestable ; et, cependant, c’est un bon et digne citoyen. La minorité des députés se réunissait chez lui ; et, dès le 28, il jugeait la royauté de Charles X à peu près perdue, et cédant surtout aux conseils de Béranger, il travailla dès lors très-activement en faveur du duc d’Orléans. La riche bourgeoisie, le haut commerce, un certain nombre d’officiers généraux : Gérard, Lobau, entre autres, se ralliaient d’ailleurs au parti orléaniste, désirant une nouvelle royauté de 1791, qui laisserait de fait le gouvernement à une oligarchie bourgeoise.

MADAME LEBRENN. — Mon oncle Hubert verrait ainsi son rêve réalisé, s’il vivait encore, car il représentait cette riche bourgeoisie d’aujourd’hui, toujours cédant à la défiance, à la crainte que lui inspirent les prolétaires.

JEAN LEBRENN. — Jamais cette crainte ne s’est trahie plus brutalement que pendant ces trois jours. Dès le 29 juillet, n’avez-vous pas vu la garde nationale, dissoute par Charles X, se rassembler en armes, non pour combattre la royauté parjure ; mais, disaient ces trembleurs, pour sauvegarder leurs maisons du pillage ?

MARTIN. — Craintes ignobles, odieuses. Le peuple ne songeait qu’à mourir pour la liberté, pour la défense d’une charte qui le traitait en paria, et il témoignait par mille actes de son désintéressement admirable !

JEAN LEBRENN. — Je vous citerai tout à l’heure un nouveau trait dont j’ai été témoin, le 29, à l’Hôtel de Ville. Mais, revenons à M. Laffitte. Sa maison était le centre des menées des orléanistes : Casimir Périer et ses amis, voyant les progrès de l’insurrection triomphante, et CharlesX à peu près perdu, se rapprochèrent des orléanistes. Il fut convenu que MM. Thiers et Ary Scheffer se rendraient à Neuilly,