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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/382

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afin de supplier le duc d’Orléans de venir à Paris où la couronne l’attendait.

LE GÉNÉRAL OLIVIER. — L’entrevue fut curieuse. Un des fidèles du Palais-Royal me l’a contée hier. MM. Thiers et Ary Scheffer arrivent à Neuilly ; ils sont introduits auprès de la duchesse d’Orléans et de Madame Adélaïde, sœur du duc ; aux premiers mots de ces messieurs, sur l’offre de la couronne à son mari, la duchesse d’Orléans s’indigne, et s’adressant à M.Scheffer, d’un ton de douloureux reproche : — « Ah ! monsieur, vous qui nous connaissez, vous qui avez vécu dans notre intimité, comment avez-vous pu supposer M. le duc d’Orléans capable d’accepter la couronne, et de dépouiller ainsi ce malheureux enfant, le duc de Bordeaux ? » — MM. Thiers et Scheffer, fort surpris de cette sortie, se regardaient décontenancés, lorsque madame Adélaïde, beaucoup moins sentimentale que sa belle-sœur, et d’un sens très-pratique et très-net, dit vivement à ces messieurs : — « Que l’on fasse de mon frère un président de république, un garde national, tout a ce qu’on voudra ; mais que, pour Dieu, l’on n’en fasse point un proscrit ! »

MADAME LEBRENN. — Elle faisait sans doute allusion à cette lettre dont vous me parliez hier, monsieur Olivier, et dans laquelle M. Laffitte engageait instamment le duc d’Orléans à revenir à Paris, ajoutant qu’il fallait choisir entre un passeport et une couronne.

LE GÉNÉRAL OLIVIER. — Précisément ; aussi madame Adélaïde, sans s’arrêter aux sentimentalités de la duchesse d’Orléans, dépêche aussitôt M. Montesquiou auprès du prince qui, caché au Raincy, attendait l’issue des événements. M. de Montesquiou devait engager formellement le duc d’Orléans à se rendre à Paris. Il y consent après des indécisions infinies. M. de Montesquiou remonte à cheval et précède la voiture ; mais au bout d’un quart d’heure, n’entendant plus le bruit des roues, il se retourne et la voit reprendre à grand train la route de Raincy. Il court après le prince, le rejoint, redouble d’instances, et parvient enfin à amener le duc d’Orléans à Paris, où il est arrivé hier soir.

HÉNORY. — Ces hésitations du prince étaient-elles sincères ? et, en ce cas, d’où venaient-elles ?

LE GÉNÉRAL OLIVIER. — Selon ce que j’ai pu apprendre des familiers du duc d’Orléans, il hésitait très-sincèrement, non que la perspective de la couronne ne le flattât infiniment, mais il est le plus riche et le plus grand propriétaire de France ; il tient énormément à sa fortune, et voyant la fin de la branche aînée, il réfléchissait qu’un