Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/388

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foule rassemblée sur la place de Grève… comme dernière tentative à essayer…

MARIK. — Quel était ce programme ?

JEAN LEBRENN. — À peu près le nôtre ; il contenait en substance ceci : — « La France est libre, — elle veut une constitution, — elle n’accorde au gouvernement provisoire que le droit de consulter la nation, — le peuple ne doit ni ne peut aliéner sa souveraineté, — plus de royauté, — le pouvoir exécutif délégué par l’élection à un président temporaire, responsable et révocable, — le pouvoir législatif délégué à une assemblée nommée par le suffrage universel. — Pour ces principes, ajoutait le programme, — nous venons d’exposer notre vie, de verser notre sang, nous les soutiendrons au besoin par une nouvelle insurrection… »

MARIK. — Et quel effet produisit la lecture de ce programme ?

JEAN LEBRENN. — Il fut applaudi par le petit nombre de ceux qui l’entendirent… quelques-uns même s’écrièrent naïvement : — C’est le programme de La Fayette… Vive La Fayette !… — Mais en ce moment arrivait à l’Hôtel de Ville un singulier cortège, il s’ouvrait par une chaise à porteur où se trouvait M. Laffitte, qu’un mal de jambe empêchait de marcher, puis venait le duc d’Orléans à cheval, accompagné des généraux Gérard, Sébastiani et autres, et suivi de la commission des députés qui l’appelaient à la lieutenance générale du royaume ; le prince était pâle, inquiet, bien qu’il affectât de sourire à la foule des combattants encore armés ; leur attitude, leurs paroles devenaient de plus en plus menaçantes ; quelques fusils même s’abaissaient dans la direction de cet homme, qui venait, après le combat, usurper la souveraineté populaire ; mais un sentiment d’humanité releva bientôt les armes, et quelques minutes après parurent au balcon de l’Hôtel de Ville, le duc d’Orléans et La Fayette ; celui-ci l’embrassa et le présenta au peuple en s’écriant : — Voici, mes amis, la meilleure des républiques… — Que dire de plus ? La Fayette, seul, grâce à sa popularité, pouvait représenter aux yeux des masses la république… et il la désirait publiquement, en sacrant, pour ainsi dire, de son adhésion, la royauté nouvelle… Le peuple resta frappé de stupeur… beaucoup, dans leur crédulité insensée, se persuadèrent en effet, puisque La Fayette l’affirmait, que Louis-Philippe d’Orléans était la meilleure des républiques… La foule s’écoula silencieuse… le petit nombre, irrité ou consterné… le plus grand nombre, rassuré, ou, pour ainsi dire, satisfait de voir la fin de la révolution, et acceptant le dénouement tel quel… car à l’ardente