Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 16.djvu/93

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les terroristes. Qu’il veuille, en renvoyant devant le tribunal révolutionnaire les Carrier, les Fouché, les Tallien, les Collot-d’Herbois et autres, les livrer à la hache du bourreau, c’est justice ; leurs exactions, leurs crimes monstrueux sont flagrants, et jamais plus grands scélérats n’ont mérité la mort ; mais qu’il veuille vous envoyer à l’échafaud, vous, Billaud-Varenne, ainsi que Vadier, David, Thuriot et autres terroristes honnêtes gens, cela serait d’une aussi horrible iniquité que d’avoir confondu Vergniaud et Brissot, Danton et Fabre d’Églantine, Hébert et Clootz. En résumé, j’approuve Robespierre de vouloir faire prévaloir sa politique sur la vôtre, parce que, selon moi, sa politique est la bonne.

— Mon cher Jean, vous vous trompez complètement.

— Je ne le pense pas ; je suis persuadé que Robespierre est l’organe de l’opinion générale, en disant que la terreur a assez duré, que l’effusion du sang doit être arrêtée, que satisfaction doit être donnée à la morale éternelle par le jugement légal de monstres tels que Fouché, Carrier, Tallien et autres, dont la présence souille la Convention, qui assumera sur elle une détestable solidarité, si elle ne les repousse pas de son sein. Robespierre croit enfin et avec raison qu’à cette heure où partout nos armées sont victorieuses, les factions royalistes écrasées, le crédit public renaissant, il est temps, non pas de détendre le ressort du gouvernement révolutionnaire, mais de mettre un terme au régime de la terreur. Or, je vous l’affirme, cette opinion est celle de l’armée que je quitte ; cette opinion est celle de la partie de la France que je viens de traverser.

— Ainsi, selon vous, on désire la fin de la terreur ?

— Oui ; on l’a acceptée comme une nécessité, on l’a glorifiée en voyant ses prodigieux résultats, puisqu’elle a sauvé la France et la république ; mais à cette heure, elle n’a plus de raison d’être. La terreur devient odieuse ; Robespierre, je vous le répète, est en cela l’écho de l’opinion publique. Pourquoi a-t-il eu le déplorable tort de ruser, de biaiser en présentant hier cette loi obscure et sournoise dont il comptait se faire une arme contre les terroristes ? Pourquoi n’a-t-il pas dit hardiment, hautement à la tribune : « — Je demande la fin du règne de la terreur, je demande le retour au gouvernement révolutionnaire légal, je demande à la Convention de décréter d’accusation les hommes qui la déshonorent par leurs crimes. » — Ces hommes, Maximilien devait aussitôt les nommer ; alors se dissipait l’effroi qui planait sur tous les partis de l’Assemblée, puisque jusqu’alors chacun d’eux se croyait individuellement menacé ;