Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/113

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— Non, ce n’est pas une vision, — reprit la jeune femme en frémissant. — Tu l’as dit, il se passe de monstrueux mystères dans ce temple où Faustine, ma maîtresse, ne se rend que le jour consacré à Vénus chez les païens… C’était avant-hier, ce jour-là : je pensais que les environs du temple seraient déserts cette nuit ; aussi, songeant à notre rendez-vous, j’ai été ce soir surprise et effrayée, lorsque, de la filandrie où nous travaillons pour Faustine, j’ai vu au loin la lueur des flambeaux de la gondole qui, suivant le canal, se dirigeait vers le temple.

— Attardé moi-même, ma Loyse bien-aimée, je croyais te trouver déjà arrivée ici.

— En effet… je suis venue plus tard que je ne l’aurais voulu, — répondit la jeune femme avec embarras et un accent de tristesse dont fut frappé Sylvest.

— Loyse, que s’est-il passé ? — reprit-il. — Ta voix est triste… tu soupires… ta main tremble… tu me caches quelque chose…

— Non… non… rien, mon Sylvest… Il m’est toujours difficile, tu le sais, de sortir de la filandrie… il m’a fallu attendre ce soir longtemps… plus longtemps qu’à l’ordinaire, une occasion favorable…

— Vrai… il ne t’est rien arrivé de fâcheux ?

— Non, je t’assure…

— Loyse, mon amour, tu ne me réponds pas, ce me semble, avec ta sincérité habituelle… tu es troublée…

— Parce que je frémis encore du danger que tu courais si tu avais été surpris caché près du temple…

— Ah ! Loyse… je te le dis… c’est comme un rêve effrayant ! Ces suppliques… cette mort… cette sorcière… et puis… ma sœur… Dieux pitoyables !… ma sœur, rivale de ce monstre ! ma sœur, courtisane ! Ah ! je te le dis… je deviendrai fou !…

— Ta sœur, rivale de Faustine… ta sœur, courtisane… Mais, depuis dix-huit ans… tu ignorais si elle était morte ou vivante !