Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/122

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enchaîné aux deux Espagnols, se trouvaient plusieurs Gaulois ; il reconnut bientôt qu’il n’était pas le seul de la bande qui se fût rendu pendant cette nuit à la réunion secrète des Enfants du Gui, car, au moment où les gardiens s’éloignèrent, il entendit deux robustes esclaves attelés à un chariot, non loin de lui, fredonner, tout en tirant péniblement leur lourde charge :

Coule, coule, sang du captif, — tombe, tombe, rosée sanglante !

Sylvest répondit à mi-voix par les vers suivants du chant du barde :

Germe, grandis, moisson vengeresse…

Ce chant avait été improvisé cette nuit-là dans la caverne de la vallée déserte ; les deux esclaves reconnurent Sylvest pour un des Enfants du Gui, échangèrent avec lui un coup d’œil d’intelligence, puis tous trois murmurèrent les derniers vers du barde, en agitant leurs chaînes avec une sorte de sinistre cadence :

À toi, à toi, faucheur, à toi ! — Aiguise ta faux gauloise, aiguise… aiguise ta faux !

Les gardiens, revenant sur leurs pas, les trois Gaulois se turent. On arriva bientôt près des portes de la ville d’Orange, et, tandis que les esclaves de labour furent conduits au lieu de leurs travaux par l’un des gardiens, l’autre fit marcher Sylvest devant lui pour le reconduire chez son maître, le seigneur Diavole.