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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/162

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— Je suis Gaulois.

— De quelle province ?… — lui dit alors Siomara en langue gauloise.

— De Bretagne.

— De quelle tribu ?

— De la tribu de Karnak.

— Depuis quand es-tu esclave ?

— J’ai été vendu tout enfant après la bataille de Vannes.

— Avais-tu une sœur ?

— Oui… elle était moins âgée que moi d’une année.

— Et elle a été vendue comme toi, tout enfant ?

— Oui.

— Tu ne l’as jamais revue depuis ce temps-là ?

— Non…

— Viens, suis-moi… — dit à l’esclave Siomara, pendant que le gladiateur et l’eunuque semblaient, l’un soucieux, l’autre courroucé de cet entretien en langue gauloise, que sans doute ils ne comprenaient pas. La courtisane fit un pas vers l’appartement intérieur, paraissant avoir complètement oublié Mont-Liban ; mais, se ravisant, elle se tourna vers lui… et lui adressant cette fois le plus doux sourire :

— Tu as humilié ton front sous mon pied… toi, le vaillant des vaillants ! — lui dit-elle. — Baise cette main… — Et elle la lui tendit. — Continue de désespérer les grandes dames romaines, comme je désespère les nobles seigneurs… Mais ne te désespère pas… entends-tu, cœur de lion ?

Le gladiateur s’était jeté à genoux pour presser contre ses grosses lèvres la main de Siomara la courtisane… Il fallait que cet homme féroce, brutal, débauché, fût profondément épris, malgré la grossièreté de sa nature ; car, pendant qu’il baisait la main de Siomara avec une sorte de respect mêlé d’ardeur, une larme tomba de son œil attendri ; puis, se relevant, pendant que Siomara faisait signe à son frère de la suivre, Mont-Liban s’écria d’un air exalté :