Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/181

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Siomara resta un instant silencieuse, pensive, puis, s’adressant à l’esclave, sans rougeur, sans effroi, elle lui dit à demi-voix et de même qu’on fait une confidence amicale :

— Frère, je puis maintenant te l’avouer, ce n’était pas une vision ; c’est moi que tu as vue cette nuit…

À cette révélation, Sylvest s’est élancé vers la porte, et s’est seulement alors aperçu qu’elle était fermée. Il ne put parvenir à l’ouvrir, quoiqu’il redoublât d’efforts en entendant Siomara répéter encore :

— Non, ce n’était pas une vision… La Siomara de cette nuit… la Siomara la magicienne… c’était moi, ta sœur…

Et elle ajouta d’un ton de doux reproche :

— Ne sois donc pas ainsi un cœur faible…

— Dieux secourables ! — s’écria-t-il avec joie, frappé d’une idée subite, — vous l’avez rendue insensée… Oh ! maintenant, ce n’est plus de l’horreur que tu m’inspires, infortunée ! — ajouta-t-il, ne pouvant contenir ses sanglots et se rapprochant de sa sœur ; — c’est de la pitié que je ressens… Oh ! mon cœur se brise de douleur en te voyant si jeune, si belle, et ta raison perdue… Oui, mon cœur se brise, mais il ne se soulève plus à la vue d’un monstre ; car tu n’es qu’une pauvre folle…

— Folle !… moi !… parce que mes larmes ont coulé à tes récits ? Est-ce cela qui te surprend ? Cela m’a surprise moi-même, je l’avoue… Mais ces larmes étaient sincères ; dans quel but les aurais-je feintes ? à quoi bon, puisque je viens de te faire cette révélation et te dire : La magicienne de cette nuit, c’était moi ?…

— Oui, c’était toi, pauvre créature, — répondit Sylvest avec cette complaisance que l’on emploie à l’égard des insensés afin de ne point les irriter. — Oui c’était toi… oui…

— Frère, tu parles de faiblesse d’esprit ? C’est le tien qui est faible ; tu veux nier ce que tu ne comprends pas… Cette nuit, par la trahison de l’eunuque, tu m’as vue jeune et belle ; je me suis transformée à tes yeux en une hideuse vieille… Comprends-tu cela davantage que mes