Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/22

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nous sommes victorieux… Ce guerrier à l’armure d’or et d’acier soit être un général romain ; faisons-le prisonnier, ce sera un bon otage à garder… Aide-moi, nous l’aurons.

Mikaël court, se précipite sur le guerrier à l’armure d’or au moment où il tentait encore d’arrêter les fuyards. En quelques bonds de mon cheval, je rejoins mon frère. Après une courte lutte, il renverse le Romain ; ne voulant pas le tuer, mais le garder prisonnier, il ne tenait sous ses deux genoux, sa hache haute, pour lui signifier de se rendre. Le Romain comprit, n’essaya plus de se débattre, et leva au ciel la main qu’il avait de libre, afin d’attester les dieux qu’il se rendait prisonnier.

— Emporte-le, — me dit mon frère.

Mikaël, ainsi que moi, très-robuste, très-grand, tandis que notre prisonnier était frêle et de stature moyenne, le saisit entre ses bras et le soulève de terre ; moi, je prends le Romain par le collet de buffle qu’il portait sous sa cuirasse, je l’attire vers moi, je l’enlève, et le jette tout armé en travers de ma selle ; prenant alors mes rênes entre mes dents, afin de pouvoir d’une main contenir notre prisonnier, et de l’autre le menacer de ma hache, je l’emporte ainsi, et pressant les flancs de mon cheval, je me dirige vers notre réserve pour mettre là notre otage en sûreté, et aussi faire panser mes blessures… J’avais fait à peine quelques pas, lorsqu’un de nos cavaliers, venant à ma rencontre en pourchassant des fuyards, s’écria en reconnaissant le Romain que j’emportais :

C’est César !… Frappe !… Assomme César !

J’apprends ainsi que j’emportais sur mon cheval le plus grand ennemi de la Gaule ; moi, loin de songer à le tuer… saisi de stupeur, je m’arrête… ma hache s’échappe de ma main, et je me renverse en arrière, afin de mieux contempler ce César si redouté que je tenais en mon pouvoir (C).[1]

  1. Nous recommandons au lecteur la note (C), constatant ce fait historique extraordinaire et l’un des plus curieux exemples de la bonhomie gauloise.