Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/239

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bien-aimée ! qu’un souvenir, les maux dont ta race a souffert !… »

J’ai fait à mon grand-père la promesse qu’il me demandait ; puis, selon ses conseils, j’ai mis la ceinture autour de moi, sous mes vêtements et, après un dernier embrassement de mon aïeul, je l’ai quitté.

Je ne devais plus le revoir… le lendemain il expirait…

J’avais alors quinze ans.

Geneviève, ma sœur de lait, devenue ma femme quelques années plus tard, avait été louée comme lavandière par l’épouse d’un Romain de Marseille nommé le seigneur Grémion, parent du premier maître de mon aïeul, et aussi l’un des agents du fisc.

La domination des Romains s’étendait alors d’un bout à l’autre du monde. La Judée leur était soumise comme dépendance de la province de Syrie, gouvernée par un préfet de Rome.

Plusieurs vaisseaux de Marseille partaient de ce port pour le pays des Israélites… Grémion, parent du procurateur romain en Judée, nommé Ponce-Pilate, fut désigné pour aller remplacer dans ce pays le tribun du trésor chargé d’assurer le recouvrement des impôts, car, partout où s’établissait la domination romaine, l’exaction des impôts s’établissait en même temps.

Aurélie, épouse de Grémion, avait loué Geneviève, ma femme, comme esclave lavandière ; elle fut si satisfaite de son zèle et de sa douceur, qu’elle voulut se l’attacher pendant ce long voyage au pays des Israélites, et pria son mari d’acheter Geneviève, ce qu’il fit.

Les Dieux nous furent favorables. Aurélie était du petit nombre de ces dames romaines qui se montraient pitoyables envers leurs esclaves. Jeune, belle, d’un caractère vif et enjoué, Aurélie ne devait pas rendre à ma femme la servitude trop pénible. Cette pensée rendit pour moi cette séparation moins amère. J’étais devenu habile dans mon métier de tisserand, et je rapportais au fisc, qui me louait à des maîtres, de bons bénéfices.

Ma vie était celle de tous les esclaves artisans, ni meilleure, ni