les premières chaires dans les synagogues et les premières places dans les festins[1]. »
— Vous m’avouerez, seigneur Ponce-Pilate, — dit le banquier Jonas, — qu’il est impossible de pousser plus loin l’audace de la personnalité…
— Mais il me semble, — dit tout bas en riant Aurélie à Jeane, en lui faisant remarquer que le docteur de la loi avait justement la place d’honneur au festin, — il me semble que le seigneur Baruch affectionne en effet ces places-là.
— C’est pourquoi il est si courroucé contre le jeune homme de Nazareth, qui a l’hypocrisie en horreur ! — répondit Jeane, tandis que Baruch reprenait, de plus en plus furieux :
— Mais voici, chers seigneurs, qui est plus abominable encore : « Gardez-vous, — a ajouté le séditieux, — gardez-vous de ces docteurs de la loi, qui dévorent les maisons des veuves sous prétexte qu’ils font de longues prières. Ces personnes-là, — et cet audacieux m’a encore désigné, — ces personnes-là seront punies plus rigoureusement que les autres[2]. » Oui, voilà ce que j’ai entendu dire en propres termes au Nazaréen… Et maintenant, seigneur Ponce-Pilate, je vous le déclare, moi, si l’on ne réprime au plus tôt cette licence effrénée qui ose attaquer l’autorité des docteurs de la loi, c’est-à-dire la loi et l’autorité elles-mêmes… si l’on peut impunément signaler ainsi les sénateurs à la haine et au mépris publics, nous marchons à l’abîme !…
— Laissez-le dire, — reprit Ponce-Pilate en vidant de nouveau sa grande coupe, — laissez-le dire, et vivez en joie…
— Vivre en joie n’est pas possible, seigneur Ponce-Pilate, lorsqu’on prévoit de grands désastres, — reprit le banquier Jonas. — Je le déclare, les craintes de mon digne ami Baruch sont des plus fondées… Oui, et comme lui, je répète : Nous marchons à l’abîme ; ce