pères… Ainsi le Deutéronome dit formellement : « Vous ne prêterez pas à usure à votre frère, mais seulement aux étrangers. » Remarquez bien ceci : mais seulement aux étrangers. Eh bien ! méprisant les prescriptions de notre sainte religion, le Nazaréen s’arroge le droit de dire : « Faites du bien à tous, et prêtez sans rien espérer (et il a soin d’ajouter) : Vous ne pouvez servir à la fois Dieu et l’argent[1]. » De sorte que la religion déclare formellement qu’il est licite de tirer profit de son argent à l’endroit des étrangers, tandis que le Nazaréen, blasphémant la sainte Écriture dans l’un de ses dogmes les plus importants, nie ce qu’elle affirme, défend ce qu’elle permet.
— Ma qualité de païen, — reprit Ponce-Pilate de plus en plus de bonne humeur, — ne me permet pas de prendre part à une telle discussion… Je vais intérieurement invoquer notre dieu Bacchus… À boire, esclave, à boire !…
— Cependant, seigneur Ponce-Pilate, — reprit le banquier Jonas qui paraissait difficilement contenir la colère que lui causait l’indifférence du Romain, — en mettant même de côté ce qu’il y a de sacrilège dans la proposition du Nazaréen, vous avouerez qu’elle est des plus insensées ; car, mes seigneurs, je vous le demande, alors que devient notre commerce ?…
— C’est la ruine de la richesse publique !
— Que veut-on que je fasse de l’or que j’ai dans mes coffres, si je n’en tire point profit, si je prête sans rien espérer, comme dit cet audacieux novateur ? Cela ferait rire[2]… si ce n’était pas si odieux…
— Et il ne s’agit pas seulement d’une attaque isolée dirigée contre notre sainte religion, — reprit Caïphe, un des princes de l’Église, — c’est, chez le Nazaréen, un système arrêté d’outrager, de saper dans sa base la foi de nos pères ; en voici une nouvelle preuve : Dernièrement, des malades étaient plongés dans la piscine de Béthèsda…