Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/265

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
243
LES MYSTÈRES DU PEUPLE.

Ces paroles de l’intendant d’Hérode furent très-approuvées par les convives de Ponce-Pilate, qui semblaient de plus en plus étonnés du silence et de l’indifférence du procurateur romain ; car celui-ci, vidant fréquemment sa grande coupe, souriait d’une façon de plus en plus débonnaire à chaque énormité que l’on reprochait au jeune homme de Nazareth.

Aurélie avait attentivement écouté la femme de l’intendant d’Hérode défendre si chaleureusement le jeune maître ; aussi lui dit-elle tout bas :

— Chère Jeane, vous ne sauriez croire quel désir j’ai de voir ce Nazaréen dont on dit tant de mal et dont vous dites tant de bien… Ce doit être un homme extraordinaire ?…

— Oh ! oui… extraordinaire par sa bonté, — répondit Jeane aussi tout bas. — Si vous saviez comme sa voix est tendre lorsqu’il parle aux faibles, aux souffrants, aux petits enfants… oh ! surtout aux petits enfants !… Il les aime à l’adoration ; quand il les voit sa figure prend une expression céleste.

— Jeane, — reprit Aurélie en souriant, — il est donc bien beau ?

— Oh ! oui… beau… beau comme un archange !

— Que je serais donc curieuse de la voir, de l’entendre !… — reprit Aurélie d’un air de plus en plus intéressé. — Mais, hélas ! comment faire, s’il est toujours si mal entouré ?… Une femme ne peut se risquer dans ces tavernes où il prêche… ainsi qu’on le dit ?

Jeane resta un moment pensive, puis elle reprit :

— Qui sait ? chère Aurélie… il y aurait peut-être un moyen de voir et d’entendre le jeune maître de Nazareth.

— Oh ! dites, — s’écria vivement Aurélie, dites vite, chère Jeane… — quel moyen ?

— Silence ! on nous regarde… — répondit Jeane ; plus tard nous reparlerons de cela…

En effet, le seigneur Chusa, très-indigné de l’opiniâtreté de sa