Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/320

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— Chère maîtresse, — dit Geneviève à Aurélie, — je crois que, du haut de son cheval, le seigneur Grémion vous a reconnue, car il parle bas au seigneur Chusa en étendant le doigt de ce côté-ci.

— Ah ! je tremble ! — dit Aurélie. — Que faire ? que devenir ? Ah ! maudite soit ma curiosité !

— Bénie soit-elle, au contraire, — lui dit Jeane, — car vous remporterez des trésors dans votre cœur… Allons hardiment au-devant de nos maris : ce sont les méchants qui se cachent et baissent la tête. Venez, Aurélie, venez… et marchons le front haut !…

À ce moment, Madeleine, la repentie, s’approcha des deux jeunes femmes, et dit à Jeane les larmes aux yeux :

— Adieu, vous qui m’avez tendu la main quand j’étais tombée dans le mépris ; votre souvenir sera toujours présent à Madeleine dans sa solitude…

— De quelle solitude parlez-vous ? — dit Jeane surprise. — Où allez-vous donc, Madeleine ?

— Au désert ! — répondit la repentie en étendant le bras vers la cime des montagnes arides au-delà desquelles s’étendent les solitudes désolées de la mer morte. — Je vais au désert pleurer mes péchés, emportant dans mon cœur un trésor d’espérance ! Béni soit le fils de Marie, à qui je dois ce divin trésor !…

Et la foule s’ouvrant avec respect devant la grande repentie, elle se dirigea lentement vers les montagnes.

À peine Madeleine eut-elle disparu, que Jeane, entraînant son amie presque malgré elle, se dirigea vers les cavaliers à travers le peuple irrité des grossières paroles de l’escorte.

On abhorrait Hérode, prince de Judée, qui eût été chassé du trône sans la protection des Romains… Il était cruel, dissolu, et écrasait d’impôts le peuple israélite : aussi, lorsque l’on apprit que l’un des cavaliers était le seigneur Chusa, intendant de ce prince exécré, la haine que l’on avait contre le maître rejaillit sur son intendant, ainsi