Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/63

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pas assez dru, ami Taureau ; allons, ne bronche pas… fais-moi une dernière fois honneur et profit en montrant que tu endures patiemment les châtiments.

À peine avait-il prononcé ces mots, que le boiteux m’asséna sur les épaules et sur la poitrine une grêle de coups ; je ressentis la douleur, mais non la honte de l’outrage ; je pleurai en tombant à genoux et demandai grâce… pendant que les curieux amassés à l’entrée de la loge riaient aux éclats.

Le centurion, surpris de tant de résignation chez un Gaulois, abaissa son fouet et regarda le maquignon qui, par son geste semblait lui dire :

— Vous avais-je trompé… ?

Alors, me flattant du plat de sa main qu’il passa sur mon échine meurtrie, de même que l’on flatte un animal dont on est satisfait, mon maître reprit :

— Si tu es taureau pour la force, tu es agneau pour la douceur ; je m’attendais à cette patience. Maintenant, quelques questions sur ton métier de laboureur, et le marché sera conclu ; l’acheteur demande : Où étais-tu laboureur ?

— Dans la tribu de Karnak, — ai-je répondu avec un lâche soupir ; — là, je cultivais avec ma famille les champs de nos pères…

Le maquignon reporta ma réponse au boiteux ; il échangea quelques mots avec le marchand, qui reprit :

— L’acheteur demande où étaient placées la maison et les terres de ta famille.

— Non loin et à l’orient des pierres de Karnak, sur la hauteur de Craig’h.

À cette réponse, le Romain fut si satisfait, qu’il parut à peine croire à ce qu’il apprenait, car le maquignon me dit :

— Rien de plus défiant que ce boiteux… Pour être certain que je ne le trompe pas et que je lui traduis fidèlement tes paroles, il exige