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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/67

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Le vieillard, ainsi appuyé, le dos et les pieds sur le corps de ses esclaves, a dit quelques mots au marchand. Celui-ci a d’abord montré du geste les trois esclaves demi-nues… Alors le seigneur Trymalcion (lis toujours, mon fils ; que le cœur ne te faiblisse point à ces horreurs, et à de plus monstrueuses encore !… elles amasseront le terrible levain de haine qui, d’âge en âge, doit fermenter dans notre race jusqu’au jour de la justice et de la délivrance), alors le noble et riche seigneur, à la vue de ces trois belles jeunes femmes que lui désignait le marchand, s’est tourné vers les Gauloises captives, et a craché de leur côté, comme pour témoigner de son souverain mépris !…

À cet outrage, les esclaves du vieillard et les Romains rassemblés aux abords de la loge ont ri aux éclats. Le marchand a ensuite indiqué au seigneur Trymalcion les deux tout petits enfants jouant sur la paille ; il a haussé les épaules en prononçant je ne sais quelles horribles paroles ; elles devaient être horribles, car les éclats de rire des Romains ont redoublé.

Le marchand, espérant enfin contenter ce difficile acheteur, s’est dirigé vers la cage, l’a ouverte, et en a fait sortir trois enfants enveloppés de longs voiles blancs qui cachaient leur visage : deux de ces enfants étaient de la taille de mon fils et de ma fille ; l’autre, plus petit. Celui-ci a d’abord été dévoilé aux yeux du vieillard ; j’ai reconnu la fille d’une de nos parentes, dont le mari avait été tué en défendant notre chariot de guerre ; elle s’était tuée ensuite comme les autres femmes de notre famille, oubliant sans doute, dans ce moment suprême, de mettre son enfant à mort. Cette petite fille était chétive et sans beauté ; le seigneur Trymalcion, après un coup d’œil rapide jeté sur elle, fit de la main un geste impatient, comme s’il eût été irrité de ce que l’on osât offrir à ses regards un objet si peu digne de les fixer… Elle fut reconduite dans la cage par un gardien ; les deux autres enfants restèrent là, toujours voilés.

Moi, mon fils, je voyais ceci du fond de la loge du maquignon, les bras liés derrière le dos par des menottes et de doubles anneaux