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Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/78

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courant des années, écrit çà et là quelques pages destinées à mon fils. Ces pages tu les liras, toi, le fils de mon fils.

Le plus ancien de ces récits est le suivant ; les faits qu’il raconte se sont passés alors que j’avais vingt-sept ans… C’était sous le règne d’Octave-Auguste, empereur, seize ans après que César, le fléau des Gaules, avait été puni, comme traître et parjure à la république romaine, par le poignard de Brutus

Octave-Auguste régnait sur l’Italie et sur la Gaule, notre patrie, complètement asservie après des luttes héroïques !…

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La ville d’Orange, une des villes les plus riches de la Gaule provençale ou narbonnaise, dont les Romains se sont emparés, et où ils se sont établis depuis plus de deux cents ans, est devenue une ville complètement romaine par son luxe, ses mœurs et sa dépravation. Dans ces contrées, moins âpres que notre Bretagne, le climat est doux comme le climat d’Italie ; le printemps et l’été y sont perpétuels, et, comme en Italie, le citronnier, l’oranger, le grenadier, le figuier, le laurier-rose, se mêlent aux colonnades des temples de marbre bâtis par les Romains, depuis qu’ils sont maîtres de ces belles provinces de notre pays.

Par une nuit d’été qu’éclairait une lune brillante, un homme… non… un esclave gaulois (car il avait la tête rasée, portait au cou un collier de fer poli, et était vêtu d’une livrée) sortait des faubourgs de la ville d’Orange. Attaché au service intérieur de la maison de son maître, il n’était pas enchaîné comme les esclaves des champs ou de la plupart des fabriques, appelés pour cela gente ferrée (A).

Après avoir passé devant le cirque immense où se donnent les combats de gladiateurs, et où sont renfermées les bêtes féroces, lions, éléphants et tigres, dont on sentait au loin la fauve et âcre odeur, l’esclave suivit pendant quelque temps les avenues de lauriers roses et de citronniers en fleurs, dont sont entourées les somptueuses