Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/88

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sent, afin de pouvoir soutenir une lutte suprême contre Rome, si elle veut nous envahir de nouveau… Tous unis cette fois contre l’ennemi, la victoire n’est pas douteuse… la Gaule rentre en possession d’elle-même… Et il arrive enfin, ce jour béni, où elle peut honorer en paix ses héros, adorer ses dieux et assurer le bonheur de tous ses enfants !

— Espoir à la Gaule ! — s’écrièrent alors les Enfants du Gui.

— Oh ! que cette nuit n’est-elle celle de demain ! — dit l’un d’eux.

— Enfants, — reprit un des druides, — pas d’impatience… On vous l’a dit… prochaine peut être la délivrance de la Gaule, mais lointaine aussi… Qui sait ? l’armée romaine, déjà en marche pour regagner l’Italie, peut s’arrêter ou revenir sur ses pas… et prolonger longtemps encore son occupation. Depuis trente ans, le plus pur, le plus généreux sang de la Gaule a coulé dans de terribles luttes ; aujourd’hui épuisée, désarmée, enchaînée, elle ne peut songer à attaquer à ciel ouvert cette innombrable armée romaine, aguerrie, disciplinée ! nous serions écrasés dans notre sang ! Si, cette fois, les troupes étrangères trompaient notre attente en restant dans le pays, ajournons nos projets, et jusque-là… patience… enfants… patience… calme et résignation ! Que la foi dans la justice de notre cause soit notre force impérissable ; songeons à tout le sang versé par nos pères ! que le souvenir de leur martyre et de leur héroïsme nous console, nous soutienne !…

— Oui, que ce souvenir nous console et nous soutienne ! — s’écria la voix d’un barde inspiré, — car, à chacune de ces réunions des Enfants du Gui, les bardes, avant qu’elle fût close, chantaient toujours quelque mâle bardit qui nous réchauffait le cœur, à nous pauvres esclaves, et dont le refrain, répété entre nous à voix basse durant nos rudes labeurs et nos misères, semblait les adoucir. — Oui, reprit le barde, — que ce souvenir nous soutienne, nous console et nous rende fier, esclaves que nous sommes, nous rendre plus fiers que des rois… Écoutez, écoutez, ce chant inspiré par l’un des plus