Page:Sue - Les Mystères du peuple, tome 2.djvu/99

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sandales, à semelles d’or, attachées à ses pieds par des cothurnes de soie verte, disparaissaient sous les pierres précieuses dont elles étaient ornées.

La grande dame, ainsi mollement couchée sur ses coussins, fit un signe aux deux jeunes Grecs ; ils s’agenouillèrent, l’un à droite, l’autre à gauche de leur maîtresse, et commencèrent à l’éventer doucement, tandis que le noir gigantesque, agenouillé derrière elle, se tenait prêt à remédier au moindre dérangement des carreaux.

Faustine dit alors d’une voix languissante :

— J’ai soif.

Aussitôt plusieurs de ses femmes se précipitèrent vers les buffets d’ivoire : celle-ci mit une coupe de murhe sur un plateau de jaspe, celle-là prit un vase d’or, tandis qu’une autre apportait un des grands bassins d’argent remplis de neige, où plongeaient plusieurs flacons d’argile de Sagonte. Faustine indiqua du geste qu’elle voulait boire de ce vin glacé dans la neige. Une esclave tendit la coupe, qui fut aussitôt remplie ; mais, en se hâtant d’apporter ce breuvage à sa maîtresse, la jeune fille trébucha sur un des coussins, la coupe déborda, et quelques gouttes de la liqueur glacée tombèrent sur les pieds de Faustine. Elle fronça le sourcil, et, tout en prenant le vase de l’une de ses mains blanches et fluettes couvertes de pierreries, de l’autre elle fit voir à l’esclave la tache humide du vin sur sa chaussure ; puis elle vida lentement la coupe, sans quitter de son noir et profond regard la jeune fille. Celle-ci commença de trembler et de pâlir…

À peine la grande dame eut-elle bu, que plusieurs mains se tendirent à l’envi pour recevoir la coupe… Se renversant alors en arrière et s’accoudant sur l’un des coussins, tandis que les deux Grecs continuaient de l’éventer, Faustine, tout en jouant avec les pendants d’oreilles que portait l’un de ces deux jeunes gens, se mit à sourire d’un rire cruel ; ce rire montra deux rangées de petites dents blanches entre ses lèvres rouges… d’un rouge de sang… Elle dit alors à l’esclave qui avait maladroitement répandu quelques gouttes de vin :